mercredi 20 juin 2018

Zoo L.A 4 : Acte II, tableau 9, p. 113 (nouvelle version)


L.A 4 : Acte II, tableau 9, p. 113 "Le Presbytérien : Il y a longtemps déjà que Wesley..." jusqu'à la fin du tableau.

Situation de l’extrait : devant la difficulté de dire si les tropis sont des hommes ou pas, le Président du jury demande à Justice Draper de les voir pour se faire une idée car, comme il le dit p 106 : « on a fait ici que parler d’eux […] Mais nous n’avons pas vu encore le bout de la queue d’un seul. Le Muséum les cache soigneusement. A peine si les journaux ont pu en publier quelques mauvaises photos ».  Les jurés se rendent donc au Muséum, et regardent les tropis. Pour certains (Presbytérien/ Moustachu) ce sont des hommes, pour d’autres (La Dame), ce sont des animaux. Une querelle s’ébauche lorsque le Président du Jury demande à Justice Draper de rappeler la définition de l’humanité. Celui-ci précise qu’ « une telle définition n’existe pas ». Les jurés se remettent à se disputer mais cette fois sur la définition de l’humanité.

PBQ : Pourquoi peut-on dire que dans cet extrait la tentative de définition de l'humanité se solde par un échec ?


I Tout d'abord toutes les définitions proposées sont contestables

A.      En effet, elles reposent sur des clichés, des lieux communs faciles et injustifiables
… Et les personnages ont bien du mal à prouver leur définition…

1.       La raison = faculté propre à l'homme par laquelle il peut distinguer le vrai et le faux/le bien et le mal. Elle s'oppose à l'instinct, plus animal. Depuis le XVIIIe siècle : utiliser sa raison, ce n’est ne pas se fonder sur des croyances mais sur l'observation et les preuves.

Mais cette définition a ses limites comme le montre le Moustachu lui-même par l'incapacité dans laquelle il est de se justifier :

Ex 1 : l’antithèse + La répétition l. 137- 138 « Bonne ou mauvaise, la raison c'est la raison ». Montre que sa justification tourne en rond et ne s’appuie sur aucune preuve, ce qui est un comble (ironique : la raison manque de preuves, de raisons).   Définition non valide.

2.       Bien évidemment la raison s'oppose à la religion comme c'est souvent le cas. Opposition classique
Pour le Presbytérien « L’homme, c’est la foi en Dieu » l. 180.
Présente sa définition comme indiscutable :
Ex 2 : argument d’autorité : S’appuie sur un prédicateur, Wesley. 

Mais, sa définition a des limites : n’est valable que pour les croyants et encore, les anglicans. En outre, Wesley était contesté par l’Église.

3.       La dame propose un autre cliché teinté de misanthropie : « les animaux sont bons et les hommes sont méchants » l. 167- 168.
Mais, sa définition a des limites
Ex 3 : Le parallélisme et l’antithèse l. 167- 168 soulignent la simplicité de son raisonnement qui n'est d'ailleurs ni justifié ni développé.

B.      D'autre part, certaines définitions sont improbables, saugrenues, étonnantes.

1.       Pour le colonel l'homme se définirait par sa « perversion sexuelle » l.151 entendre par là sa possibilité d'être homosexuel comme cela est évoqué l. 160 « la pédérastie ».
Présente sa définition comme indiscutable :
Ex 1 : Il étaye, sa thèse avec une question rhétorique « mainte société brillante ne fut-elle pas fondée sur la pédérastie ? » qui est censée prouver son argument.
Mais sa définition a des limites car il crée ainsi un amalgame entre l'homosexualité et l'intelligence d’une société. Cet amalgame crée la confusion comme le souligne la question du Moustachu qui n'a pas compris comme le lecteur - spectateur d'ailleurs.

2.       Autre définition de l'humanité : l'homme c'est l'Histoire. l.190-193. 
Mais sa définition a des limites
Ex 2 : Les différents mots repris dans l'énumération ne définissent pas l’homme et l’énumération, trop rapide, n’explique pas comment on arrive à l’idée que ce qui fait l’humanité est l’Histoire. Et le chiasme est obscur.  Il est contredit par le gentleman qui oppose un argument de bon sens marqué par le connecteur « d’où » l. 196-197 (Ex 6)

3.       Dernière définition proposée : l’art.
Présente sa définition comme indiscutable :
Ex 3 : Le gentleman utilise un vocabulaire métaphorique pour impressionner les autres membres du jury.  « L'Histoire est un tombeau. L'Homme c'est- l'art. Le reste est silence. » Les trois phrases courtes se veulent marquantes et n'appellent pas de contestation.
Mais il est aussitôt contredit par le Moustachu qui, une fois de plus revient avec sa logique raisonnable l. 205-206 et l. 209 208. En usant d’un parallélisme il reprend la justification du gentleman et montre que sa définition n'est pas valide, que son raisonnement est stérile. Il souligne en même temps que l'on tourne en rond.

II En outre la définition de l'humanité n'aboutit pas parce que les personnages ne réfléchissent pas : ils restent subjectifs

A.      D’une part, on voit qu’ils ne veulent pas construire quelque chose ensemble mais imposer leur point de vue.

Ils s’opposent par une suite de réfutations.

Ex 1 : verbes subjectifs forts qui montrent leur entêtement et leur impossibilité d'accepter le point de vue d'autrui: « je n'en démords pas » l. 175 et 180, « je proteste » l. 136, « je ne sors pas de là » l. 138, « Je me récuserais immédiatement.  » l. 141.


Ex 2: Le Moustachu lui retourne aussitôt l'argument grâce à un parallélisme de construction dans lequel il substitue à l'adjectif « raisonnable » les deux adjectifs « chrétien et charitable » l. 178 -179. Aux guerres qui ne sont ni une preuve d'intelligence, ni une preuve de philanthropie,  le Moustachu propose l'intolérance religieuse dont ont fait preuves les chrétiens tout au long de l'Histoire avec « brûler les gens sur des bûchers ».

Ex 3 : enchaînement par antithèses entre 2 modes de pensées : l'une spirituelle/ abstraite, l'autre matérielle/ concrète.
De la l. 181 à 188 la définition de l'homme devient quelque peu hasardeuse et incohérente.
De la définition de l'homme comme être raisonnable ou être croyant, on passe à l'humanité : « outil », « âme », «  travail », « ascèse », «  social »…. On ne voit pas le lien entre ces évolutions de définition. Elles s'enchaînent par une logique d'opposition entre le Presbytérien et le Moustachu et non pas une véritable logique. À la foi, notion abstraite, le Moustachu oppose l'outil, quelque chose de concret et qu'il connaît bien puisqu'il est éleveur. Aussitôt le Presbytérien oppose l'âme, également abstraite. A laquelle, le Moustachu oppose le travail, concret. Le Presbytérien oppose au travail concret, l’ascèse, exercices spirituels personnels. Le Moustachu oppose « le social »  à quoi le Presbytérien oppose « la méditation », réflexion solitaire.  Pour le Moustachu, l'homme se définit par son pragmatisme et sa vie en société. Pour le Presbytérien l'homme se définit par la prière et le repli sur soi. Opposition comique.
La volonté d'avoir raison prend le pas sur la vérité.

B.      De plus, ils sont agressifs.

(Ex 1 : Ils se coupent souvent la parole : l. 129- 130 : points de suspension + didascalie « (l’interrompant)», + l.135-152. Aux l. 135-136 on ne laisse pas poursuivre la dame (renvoie à une certaine misogynie qui consiste à considérer que les femmes sont inférieures et inintelligentes))

Ex 2 : Ils haussent  la voix ou le ton comme l'indiquent les didascalies : l. 131 « (fort) », l. 176 « (agressif) », l. 180 « (crescendo ») et l. 182 « (même jeu) », l. 207 « (agacé) »


Ex 3 : les nombres exclamations qu'ils emploient montre leur énervement l. 143,157 158 166 176 184 à 189.

Ex 4 : Ils utilisent un vocabulaire dépréciatif pour parler de l’avis de l'autre l. 143 « damnées bondieuseries » l. 182 « connerie de sacristie », l. 158 « pervers », péché », l. 166 « dégoutants », l. 174 « stupidité ».

Ex 5 : Gestes : lorsqu'ils sont pris de court le Moustachu et le Presbytérien menacent de partir 141-142l et même de se battre l.189 « ils sont très en venir aux mains ».


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