L.A 3 : « En
sourdine »
Avant dernier poème des Fêtes
galantes soit le 21ème.
Après un moment d’ébats amoureux, l’amant s’adresse à l’amante à
mi-voix et l’invite à se fondre dans le cadre naturel qui l’entoure.
En quoi ce poème est-il caractéristique de la langueur
verlainienne ?
Déf° langueur :
1.
Etat d’âme des amoureux, mélange de bonheur et
d’inquiétude.
2. Mollesse,
indolence, paresse.
3.
Dépression, désespoir.
I Tout d’abord, nous avons dans
ce poème une langueur amoureuse.
A- D’une part, cette langueur repose sur un sentiment de
bonheur partagé des amants
1. Bonheur
d’être ensemble qui se lit dans …
Ex1 : La 1ère
pers. du pluriel caractéristique de la création d’un couple v.3
« notre amour ». illustré par
v. 2, « nos » v. 5-6, « notre » v. 19.
Ex 2 : Amour illustré par le fait qu’ils réagissent à l’unisson (font les mêmes choses)
comme le montrent les verbes à la 1ère
personne du pluriel de l’impératif →Recherche
d’une fusions du couple v. 5-6 « fondons » , « pénétrons »,
« laissons-nous »v. 13.
Ex 3 : Rythme ternaire v.5-6 souligne la recherche
d’une fusion , d’une triple harmonie :
spirituelle « âmes » v.5, affective « cœurs » v.5 et
sensuelle « sens » v.6.
2. Bonheur
d’être apaisé
Ex 4 : Position
d’ouverture du poème de l’adjectif « calmes », mis en évidence donc :
état de tranquillité, de paix, de bien-être après les ébats
Ex 5 : Insistance sur la
passivité qui gagne les amants après la satisfaction du plaisir grâce à l’adjectif
« vagues » v.7 qui vient qualifier « langueurs »
v. 7. Presque un euphémisme. La
conscience des amants se dilue dans l’impondérable.
3. Bonheur
dû au plaisir sensuel
Ex 6 : Connotation
érotique v. 10 « sein » et « pieds » v.15. En effet
dans les civilisations orientales, le pied est un élément sensuel. La
description de la femme se fait de haut en bas (yeux, sein, pied) comme si le
poète promenait ses yeux sur elle, après l’amour ?
Ex 7 : Diérèse sur
l’adj. v. 6 « extasiés » rend sensible, accentue le plaisir de l’extase qu’ils viennent de
connaître par l’acte amoureux.
Extase = état par lequel une personne est transportée hors
d’elle-même. Ici les amants ont été transportés l’un ds l’autre par l’acte
charnel. Etat qui procure du bonheur.
Ex 8: L’assonance en [a]
et en [o] v. 1 à 8, voyelles ouvertes traduisant bien
l’idée d’abandon totale des êtres au plaisir.
B-
Mais
cette langueur est aussi empreinte d’inquiétude
A la fièvre amoureuse succède la
lassitude et le désespoir
1. Lassitude
Ex 1 : Connotation v.10
« croise tes bras sur ton sein » = repli sur soi, pudeur qui tranche
avec l’abandon à l’autre qu’ils viennent de connaitre.
Ex 2: Impératif exhortatif
du v.9 « ferme tes yeux à demi » est une invitation au demi
-sommeil ms aussi à la lassitude. Est-il lassé d’elle cô elle doit se lasser de
lui ?
Ex 3 : Impératif exhortatif v. 11-12 l’amante est invitée à chasser de son
cœur tout espoir de prolonger l’aventure du couple.
→le poète devient ici un libertin
qui tout en berçant son amante lui notifie la fin de leur amour.
2. La lassitude a finalement
conduit au « désespoir » v.19. On retrouve ici l’un des sens du mot
langueur que Verlaine utilise dans d’autres poèmes « quelle est cette
langueur qui pénètre mon cœur ? »
TRANSITION : l’état d’âme
des personnages se projette sur les éléments de l’extérieur tout comme les
éléments de l’extérieur sont favorables à l’expression des états d’âme des
pers. Effet de miroir, d’échos cô dans « Clair de lune »
II Cette langueur apparaît aussi dans le paysage
A-
Les
éléments naturels contribuent en effet à créer une atmosphère de quiétude, de
paix.
1. La lumière crépusculaire
Ex 1 : Synecdoques v.2
« branches hautes » désignent
les arbres hauts qui les protègent des regards indiscrets, du monde extérieur à
leur couple. Ils sont sous les ramures. cf tableau de Watteau. L’enjambement v.1-2 souligne l’ampleur
des branches et de l’obscurité créée.
Ex 2 : Indications
temporelles v. 1 « demi-jour »
= crépuscule. Confirmé v. 17-18 avec l’annonce au futur du soir qui arrive ms
qui n’est pas encore là.
2. Le silence
Ex 3 : Enjambement v.4
« silence profond » intensifie l’absence de bruit. C’est un calme absolu de la nature. Un silence
épais qui devient palpable. Il remplit,
pénètre …(« Pénétrons ») le cœur des amants.
3. Les éléments de la nature :
vent, végétation
Ex 4 : Connotation
des « pins » v. 8 qui sont le symbole de l’immortalité. Comme si les
amants éprouvaient un sentiment d’éternité.
Ex 5 : v.14 Personnification du vent « souffle berceur et
doux » comme si le paysage devenait un personnage à part entière. La voix
du poète se mêle à celle du vent pour inciter son amante à la langueur.
L’adjectif « berceur » souligne l’effet soporifique renforcé par l’adj. « doux ». L’enjambement v.
13-14 accentue l’effet de berceuse.
Ex 6 : v. 16 Métaphore du gazon qui devient liquide
« ondes », une rivière. Poétisation du paysage. Le seul élt naturel
manquant à ce tableau d’amour champêtre
était l’eau. Elle apparaît avec cette métaphore et contribue à créer un
cadre calme.
B-
Elle
est également faite de tristesse
Ex1 : v.15 Confirmation de la personnification du paysage avec « gazon roux » et le
verbe « rider » v. 15 (le gazon se ride sous l’effet du vent). Pourquoi
un gazon roux ?
·
A cause de l’éclairage crépusculaire sur le
gazon : Verlaine décrit avec l’œil du peintre
·
« roux » saison d’automne qui renvoie au climat d’amour finissant et
mélancolique dans lequel sont les pers.
Ex2 : Apposition v.17
« solennel » est mis entre virgules et donc en évidence. Il renvoie à la gravité de l’instant. A l’origine, cet adjectif renvoie à une
cérémonie religieuse donc à la mort. D’autres éléments y renvoient aussi
·
Déjà annoncé v.4 « silence profond »
renvoie aussi à l’idée de mort
·
Emploi du
futur = fatalité
·
« soir » v. 17
·
v. 18 les pins et les arbousiers font place aux
« chênes noirs » qui de par leur couleur
renvoie à la mort : ils symbolisent la toute-puissance de la mort
·
chant du rossignol v. 20 symbole de la
souffrance amoureuse →manière de mêler amour et mort. « Le
Rossignol » poème des Poèmes saturniens » traduisant une douleur
amoureuse aigüe
Ex 3 : Le
titre du recueil synthétise bien ce mélange de calme et de mort dans le
paysage. En effet, la « sourdine » désigne dans un piano la pédale qui assourdit les sons et donne
aux accords élevés une sonorité voilée, comme s’ils venaient de l’au-delà.
CCl° : la
langueur verlainienne serait donc un subtil mélange de bonheur amoureux, de
désespoir et d’indolence / paresse. On peut
même être plus précis :
la langueur verlainienne consisterait à mettre une sourdine au désespoir et à
la souffrance liée à la fuite du bonheur amoureux. Ce poème l’illustre
bien puisqu’il consiste à mettre une sourdine à l’éclatement final du
désespoir. L’amant chante en sourdine la berceuse de l’amour qui s’éteint pour
ne pas trop souffrir. C’est le dernier recours avant de sombrer dans le
désespoir total comme ce sera le cas dans le dernier poème …
Ouverture sur « Colloque sentimental » où il ne
reste plus rien de l’amour et de ses joies passées, pas même le souvenir…
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