samedi 23 juin 2018

L.A 3 : « En sourdine »


L.A 3 : « En sourdine »

Avant dernier poème des Fêtes galantes soit le 21ème.
Après un moment d’ébats amoureux, l’amant s’adresse à l’amante à mi-voix et l’invite à se fondre dans le cadre naturel qui l’entoure.

En quoi ce poème est-il caractéristique de la langueur verlainienne ?


Déf° langueur :
1.       Etat d’âme des amoureux, mélange de bonheur et d’inquiétude.
2.       Mollesse, indolence, paresse.
3.       Dépression, désespoir.


I Tout d’abord, nous avons dans ce poème une langueur amoureuse.

A-      D’une part,  cette langueur repose sur un sentiment de bonheur partagé des amants

1.       Bonheur d’être ensemble qui se lit dans …
Ex1 : La 1ère pers. du pluriel caractéristique de la création d’un couple v.3 « notre amour ».  illustré par v. 2, « nos » v. 5-6, « notre » v. 19.
Ex 2 : Amour illustré par le fait qu’ils réagissent   à l’unisson (font les mêmes choses) comme le montrent les verbes à la 1ère personne du pluriel de l’impératif  →Recherche d’une fusions du couple v. 5-6 « fondons » , « pénétrons », « laissons-nous »v. 13.
Ex 3 : Rythme  ternaire v.5-6 souligne la recherche d’une fusion , d’une triple harmonie  : spirituelle « âmes » v.5, affective « cœurs » v.5 et sensuelle « sens » v.6.
2.       Bonheur d’être apaisé
Ex 4 : Position d’ouverture du poème  de l’adjectif  « calmes », mis en évidence donc : état de tranquillité, de paix, de bien-être après les ébats
Ex 5 : Insistance sur  la passivité qui gagne les amants après la satisfaction du plaisir grâce à l’adjectif  « vagues » v.7 qui vient qualifier « langueurs » v. 7. Presque un euphémisme. La conscience des amants se dilue dans l’impondérable.  
3.       Bonheur dû au plaisir sensuel
Ex 6 : Connotation érotique v. 10 « sein » et « pieds » v.15. En effet dans les civilisations orientales, le pied est un élément sensuel. La description de la femme se fait de haut en bas (yeux, sein, pied) comme si le poète promenait ses yeux sur elle, après l’amour ?
Ex 7 : Diérèse sur l’adj. v. 6 « extasiés » rend sensible, accentue  le plaisir de l’extase qu’ils viennent de connaître par l’acte amoureux.
Extase = état par lequel une personne est transportée hors d’elle-même. Ici les amants ont été transportés l’un ds l’autre par l’acte charnel.  Etat qui procure du bonheur.
Ex 8: L’assonance en [a] et en [o]  v. 1 à 8, voyelles ouvertes traduisant bien l’idée d’abandon totale des êtres au plaisir.

B-      Mais cette langueur est aussi empreinte d’inquiétude
A la fièvre amoureuse succède la lassitude et le désespoir
1. Lassitude
Ex 1 : Connotation v.10 « croise tes bras sur ton sein » = repli sur soi, pudeur qui tranche avec l’abandon à l’autre qu’ils viennent de connaitre.
Ex 2: Impératif exhortatif du v.9 « ferme tes yeux à demi » est une invitation au demi -sommeil ms aussi à la lassitude. Est-il lassé d’elle cô elle doit se lasser de lui ?
Ex 3 : Impératif exhortatif  v. 11-12 l’amante est invitée à chasser de son cœur tout espoir de prolonger l’aventure du couple.
→le poète devient ici un libertin qui tout en berçant son amante lui notifie la fin de leur amour.
2. La lassitude a finalement conduit au « désespoir »  v.19. On retrouve ici l’un des sens du mot langueur que Verlaine utilise dans d’autres poèmes « quelle est cette langueur qui pénètre mon cœur ? »

TRANSITION : l’état d’âme des personnages se projette sur les éléments de l’extérieur tout comme les éléments de l’extérieur sont favorables à l’expression des états d’âme des pers. Effet de miroir, d’échos cô dans « Clair de lune »

II Cette langueur apparaît aussi dans le paysage
A-      Les éléments naturels contribuent en effet à créer une atmosphère de quiétude, de paix.
1. La lumière crépusculaire
Ex 1 : Synecdoques v.2 « branches hautes »  désignent les arbres hauts qui les protègent des regards indiscrets, du monde extérieur à leur couple. Ils sont sous les ramures. cf tableau de Watteau. L’enjambement v.1-2 souligne l’ampleur des branches et de l’obscurité créée.
Ex 2 : Indications temporelles  v. 1 « demi-jour » = crépuscule. Confirmé v. 17-18 avec l’annonce au futur du soir qui arrive ms qui n’est pas encore là.
2. Le silence  
Ex 3 : Enjambement v.4 « silence profond » intensifie l’absence de bruit. C’est  un calme absolu de la nature. Un silence épais qui devient  palpable. Il remplit, pénètre …(« Pénétrons ») le cœur des amants.
3. Les éléments de la nature : vent, végétation
Ex 4 : Connotation des « pins » v. 8 qui  sont le symbole de l’immortalité. Comme si les amants éprouvaient un sentiment d’éternité.
Ex 5 : v.14 Personnification du vent « souffle berceur et doux » comme si le paysage devenait un personnage à part entière. La voix du poète se mêle à celle du vent pour inciter son amante à la langueur. L’adjectif « berceur » souligne l’effet soporifique renforcé par  l’adj. « doux ». L’enjambement v. 13-14 accentue l’effet de berceuse.
Ex 6 : v. 16 Métaphore du gazon qui devient liquide « ondes », une rivière. Poétisation du paysage. Le seul élt naturel manquant à ce tableau d’amour champêtre  était l’eau. Elle apparaît avec cette métaphore et contribue à créer un cadre calme.

B-      Elle est également faite de tristesse
Ex1 : v.15 Confirmation de la personnification du paysage avec « gazon roux » et le verbe « rider » v. 15 (le gazon se ride sous l’effet du vent). Pourquoi un gazon roux ?
·         A cause de l’éclairage crépusculaire sur le gazon : Verlaine décrit avec l’œil du peintre
·         « roux » saison d’automne  qui renvoie au climat d’amour finissant et mélancolique dans lequel sont les pers.
Ex2 : Apposition  v.17 « solennel » est mis entre virgules et donc en évidence. Il  renvoie à la gravité de l’instant.  A l’origine, cet adjectif renvoie à une cérémonie religieuse donc à la mort. D’autres éléments y renvoient aussi
·         Déjà annoncé v.4 « silence profond » renvoie aussi à l’idée de mort
·         Emploi du futur = fatalité
·         « soir » v. 17
·         v. 18 les pins et les arbousiers font place aux « chênes noirs » qui de par leur couleur renvoie à la mort : ils symbolisent la toute-puissance de la mort
·         chant du rossignol v. 20 symbole de la souffrance amoureuse →manière de mêler amour et mort. « Le Rossignol » poème des Poèmes saturniens » traduisant une douleur amoureuse aigüe 
Ex 3 : Le titre du recueil synthétise bien ce mélange de calme et de mort dans le paysage. En effet, la « sourdine » désigne dans un piano la pédale qui assourdit les sons et donne aux accords élevés une sonorité voilée, comme s’ils venaient de l’au-delà. 

CCl° : la langueur verlainienne serait donc un subtil mélange de bonheur amoureux, de désespoir et d’indolence / paresse. On peut  même être plus précis : la langueur verlainienne consisterait à mettre une sourdine au désespoir et à la souffrance liée à la fuite du bonheur amoureux. Ce poème l’illustre bien puisqu’il consiste à mettre une sourdine à l’éclatement final du désespoir. L’amant chante en sourdine la berceuse de l’amour qui s’éteint pour ne pas trop souffrir. C’est le dernier recours avant de sombrer dans le désespoir total comme ce sera le cas dans le dernier poème …
Ouverture sur  « Colloque sentimental » où il ne reste plus rien de l’amour et de ses joies passées, pas même le souvenir…

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