mercredi 20 juin 2018

Le Roi L.A.2 (nouvelle version)


L.A.2 : « Tu vas mourir dans une heure et demie [...] le mieux de la fin » p. 37 à 44

Situation du passage : le roi arrive tardivement  sur scène p.30. Il est déjà apparu dans la scène d’exposition mais juste pour passer. Il n’est pas resté et n’est pas intervenu. Ionesco veut créer un effet d’attente et faire de l’arrivée du roi un événement.
Moment clef de la pièce puisque c’est là que le roi apprend des autres personnages qu’il va mourir.  Cela peut paraître étrange mais c’est conforme à la réalité : c’est souvent une tierce personne qui nous apprend notre propre mort, notamment un médecin. Parfois, par ménagement, c’est un membre de la famille, comme ici : ce sont Marguerite et le médecin qui apprennent au roi sa mort prochaine.

PBQ :
 Montrez ce qu’il y a de tragique et de comique dans ce passage ?
Quels sont les registres de ce texte ?
En quoi cet extrait est-il une farce tragique ?

 I En effet, ce passage est tragique

A.      Le tragique se manifeste tout d’abord par la mort inéluctable du roi

Ex 1 : Répétition + temps verbal « Tu vas mourir » répété 4 fois l. 2-7-11
→Insiste et montre que cette mort est inévitable.
→L’emploi du futur proche renforce cet aspect inévitable et proche de la mort du roi.
C’est la fatalité : fatum. Puissance contre laquelle on ne peut rien. C’est une force qui s’oppose au libre arbitre de l’homme.  A la l.14, « pour l’éternité » insiste sur le caractère « irréversible » de cette mort comme le disait Marguerite au début de la pièce.
→Tragique.
→Pitié. Seule Marie en témoigne avec son exclamation/ invocation à Dieu l.8.

Ex 2: CL de la maladie
Maladie du Roi
 Adjectif « malade » employé également par Marguerite l.27,  on parle de « douleurs » l.33, le roi crie « aïe » l.38 et il semble même malgré lui avouer sa maladie puisqu’il déclare : « c’est parce que je ne me suis pas mis dans la tête de ne pas avoir mal »l.38-39
→mise en évidence de la maladie du roi contrebalancé par son déni« je me porte bien » l.18, « je ne suis pas malade » 2X l.28 -29
→le roi refuse d’accepter sa mort.
Maladie du garde
« goutte et rhumatismes » l. 99-100. Il se paralyse l.112-113, il est « pétrifié » l.122 « symptôme caractéristique ». A travers le garde, c’est « l’armée » qui est paralysée, victime d’un virus l.102-104.
Lorsque le médecin dit l. 124-125 « c’est un symptôme caractéristique. Médicalement, c’est très net », il sous-entend que cette paralysie de l’armée et du garde correspond à la dégradation physique du roi et à la perte de son pouvoir. Car un roi sans armée n’a plus de pouvoir.

Ex 3 : Négations du verbe ²pouvoir² : « tu ne peux même plus » l.28 et l.43-48 structure parallèle : « tu ne peux plus » / « tu n’as plus de pouvoir » 2X / « tu ne peux plus » / « tu n’as plus de pouvoir » qui donne l’effet d’une litanie et d’une fatalité implacable qui s’acharne contre lui.
Ex 9


B.       Il se manifeste également par  lutte désespérée du roi contre la mort
Ex 1 : CL du complot
  • Il accuse tt d’abord Marguerite l.220-21 qui aurait tjs souhaité sa mort
  • Il envisage ensuite un vaste « complot » l.69 dont le but serait alors de le faire abdiquer et dont feraient partie Marguerite et le médecin. Ces comploteurs sont des « fous » ou des « traîtres » l.74 à moins que ce ne soient p. 42 « des conjurés, des bolcheviques » l.140 qu’il tente de faire arrêter l.80
→Le roi essaie de trouver des causes externes à sa déchéance = victime de son entourage.

Ex 2 : Répétition : Il tombe 4 fois l.141 à 164 et à chaque fois se relève.
→Montre son acharnement à rester en vie.


Ex 3 : Antithèses
  • p.42 Tout d’abord on note le décalage entre le geste et la parole : l. 135 « fait un grand effort » / l.137 « tu vois comme c’est simple »

Ex 4 : Répétition adverbe « péniblement » l. 144-149-156→insiste bien sur la difficulté de l’effort et la dégradation physique du Roi.


II Mais, Ionesco introduit des éléments comiques dans cette situation tragique. 

Le but du comique est de faire jaillir le rire. C’est un repoussoir au tragique.

A.      Le comique vient en premier lieu de l’incongruité de la situation: certains éléments ne sont pas adaptés aux circonstances, bizarres par rapport au monde et à l’univers présenté.

Ex 1 : CL de la cuisine :
-p. 37 l.11-14 très terre à terre.  Mourir, c’est d’abord ne plus avoir besoin de se nourrir = anéantissement du corps et disparition de tout ce qui est de l’ordre des sens.
→Comique vient du décalage entre les propos du médecin, triviaux et les circonstances tragiques. Propos pas adaptés aux circonstances.

Ex 2 : Image l.55-57 d’un monde qui tombe dans un trou. On sourit à l’évocation des ministres qu’on ne peut plus « repêcher ». On sourit également à la paralysie de l’armée.


Ex 3 : L’utilisation du sceptre comme béquille relève aussi d’un humour pathétique. l.149. →Burlesque. On note la symbolique très forte
Þ Une vision grotesque de la mort : d’un comique contrefait, extravagant, bizarre. 

B.       En outre, le comique provient du jeu théâtral

Ex 1 : la didascalie antithétique l.172-173 « guignol tragique ».
Renvoie bien à la double thématique comique et tragique.
« guignol »: Personnage ridicule
« Guignol » : personnage de théâtre de marionnettes de tradition lyonnaise, symbolisant l’esprit railleur et frondeur du peuple.

Þ le jeu des acteurs doit donc avoir quelque chose de mécanique. Renvoie au comique de gestes et au genre de la farce les personnages ont des réactions  parfois mécaniques.
Or Bergson définit ainsi le rire : « le rire, c’est de la mécanique plaquée sur du vivant ».

Þ le jeu des acteurs comme des marionnettes les déshumanise et nuit à la vraisemblance. Quel est le but de cette déshumanisation ?

Ex 2 : comique de geste : les quatre chutes successives du roi et  le jeu de scène comique avec les apparitions successives de Juliette qui crie « vive le roi » l.160-165 . Elle apparaît comme un diable dans une boîte.

Ex 3: comique de mots
Les répliques de Marguerite et du médecin en échos ont le même effet : l. 62-64, 68-70, 174- 176. ® renvoie aussi à la farce où les personnages n’ont pas de caractère individuel, pas de liberté individuelle. Ce sont des personnages fantoches.





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