vendredi 15 juin 2018


L.A 5 « Margeurite Il perçoit encore les couleurs […] 15 novembre 1962 » p.135-137

Situation du passage
C’est la fin de la pièce. Les différents personnages disparaissent successivement. C’est le « processus » ultime où le mourant doit faire le deuil de sa vie et de tout ce qui l’a composée. Et cela commence par les autres personnages : p.124, disparition de Marie « il ne te voit plus Marie disparaît brusquement par un artifice scénique »; p.128 disparition du garde et de Juliette « on ne vous abandonnera pas…le garde disparaît subitement Nous sommes là, près de vous, nous resterons là. Juliette disparaît subitement »; p.128 trois répliques plus loin, c’est le médecin qui s’en va « Excusez-moi majesté, je dois partir…se retire…il n’est plus là ». Seule Marguerite reste avec lui. Il n’y a plus de comique, mais la mort du roi n’apparaît pas non plus comme tragique ou morbide. C’est un moment mystique.

PBQ :
         Commet Ionesco met-il en scène la mort du roi ?
         En quoi cet extrait nous plonge-t-il dans un univers mystique ? (mystique = communication / contact avec l’au-delà)
         En quoi cet extrait constitue-t-il bien le dénouement de l’œuvre ?

Dénouement car les 2 personnages clefs pour que  la mort du roi se produise ( Marguerite et le Roi) remplissent enfin leur fonction / jouent enfin pleinement leur rôle.


I (Le roi meurt)  Tout d’abord, dans cet extrait le Roi meurt, ce qui était le sujet de la pièce.

A  En effet, le roi meurt physiquement.

Ex 1 : CL des sens : Ouïe l.36, vue, soif ou goût l.30-31,  et odorat l.40.→ le roi renonce aux sens et aux besoins physiologique de  la vie.

Ex 2: Question à la parole « A qui pourrais-tu parler ? » l.38-39 + "tu n'as plus la parole"  → renonce à la parole.
Ex 3 : Enumération Le roi est  dépossédé des éléments de sa vie physique, de son corps,  par morceaux l.50 « les jambes, la droite, la gauche », l.52-53 « un doigt, […] deux doigts, …trois… quatre…cinq…les dix doigts », l.54-55 « bras…poitrine….épaules…ventre ». Arrive le  « cœur » l.57.

Ex 4 :  les didascalies
- l. 51-52 et 55-56 : rigidification du cadavre. Le roi est prêt à être enterré.
-  l.67-68 "le roi et son trône disparaissent " le verbe "disparaître" est un euphémisme signifiant dans le langage courant "mourir". On parle en effet de la disparition de qq'un pour dire sa mort.

Ex 5: Métaphore L 49-50 « regarde à travers moi. Regarde ce miroir sans image ». Le « miroir sans image » symbolise la mort physique puisque le roi en voit plus son image dans le miroir.

B- Alors, il accède au monde spirituel

Ex 1: Métaphore de la « passerelle » Le passage du monde terrestre vers le monde spirituel est symboliquement évoqué par l’image de la « passerelle » l.40 qui unit le monde des vivants et celui de la mort. C’est bien l’état intermédiaire dont parle le livre des morts tibétains. Le roi passe d’un état à un autre, de vivant à mort ou comme l’affirment les bouddhistes de mort à vivant. S’il y a anéantissement, c’est celui de l’ego mais pas de l’être. Confusion fréquente chez les occidentaux qui ont du mal à concevoir l’être sans l’ego  cette vision d’un passage ôte à la mort son caractère lugubre et tragique. Nous sommes dans le mystique 

Ex 2 : répétition 4 fois du verbe  « monter » l. 44 2 fois, l.45,  l.46 et 5 x de « plus haut » renforcé 4 fois par l’adverbe « encore ».   Il s’agit d’une montée vers la mort d’une ascension (Concrètement, le roi doit monter sur son trône qui n’a que.)  Or on a l’impression qu’il s’agit d’une ascension vertigineuse, en tous cas, bien plus importante que celle des « trois ou quatre marches » du trône du roi. En fait, il s’agit  d’une ascension spirituelle. Montée vers l’au-delà, vers le monde de l’Etre, vers le monde spirituel. D’ailleurs, à la fin de l’extrait, la  « lumière grise », l.70 –72 et la « brume » l.77, correspondent à l’idée que l’on se fait du monde après la mort, un monde brumeux, cotonneux.

Ex 3 :  négations : «  ton cœur n’a plus besoin de battre, plus la peine de respirer ».Même le mouvement mécanique de l’organe est devenu superflu.   Quand le cœur cesse de battre c’est le signe clinique de la mort d’un humain. Seul reste la tête, siège du spirituel et nécessaire pour accéder au monde spirituel, de l’au-delà.

Ex 4 : Ex 15 : négations + répétition « jour/ nuit » → abolition du temps et de la  chronologie l. 10-11. Le roi pénètre dans une sorte d'éternité spirituelle.


II  (Marguerite le guide) D’autre part, cet extrait nous apparaît aussi  comme le dénouement car Marguerite peut enfin  remplir enfin son rôle.

A Elle est en premier lieu  le symbole de la mère

Ex 1 : Impératif exhortatif : l.8 « marche tout seul, n’aie pas peur » →M s’adresse à lui comme à un bébé : elle l’encourage à marcher comme une mère le ferait pour les premiers pas de son bébé.

Ex 2 : Connotation Les hallucinations du roi correspondent aux peurs traditionnelles des enfants :
- les « [ombres] », « les mains gluantes, mains implorantes, bras et mains pitoyable » l. 15- 16 renvoient aux monstres ;
- « le loup » l.19, « les rats et vipères » l.22- 23 sont les animaux qui effraient les enfants ;
-les personnages effrayants « mendiant », « vieille femme » « bonne femme » l. 24-25-28  rappellent les méchants des histoires pour enfants. L’expression « bonne femme » est d’ailleurs souvent employée dans les contes.
Marguerite est la mère qui calme des cauchemars

Ex 3 : Impératif jussif : l.16 à 27 : « ne revenez pas, retirez-vous. Ne le touchez pas, ou je vous frappe !» l.17 ; « loup, n’existe plus » l.23« Rats et vipères, n’existez plus », 28-29 « « n’encombrez pas son chemin. Evanouissez-vous » → Elle est rassurante : elle élimine toutes les peurs

B Elle est aussi un guide spirituel,  ce qui lui confère une dimension mystique
Ex 1 : l.6-7, avec l’emploi des verbes « devoir » et « pouvoir »→  Marguerite lui dicte sa conduite

Ex 2 : Emploi de nombreuses indications de lieu : l.12 « devant toi », l.19 « à ta gauche », l.47 « plus haut, encore plus haut, encore plus haut », l.48 « vers moi » → elle le guide dans l’espace + emploi d’articles définis «  les broussailles »  l.14/  « le précipice » l.19/ « les rats » l.22 / « le mendiant », « la vielle femme » l. 24-25 /  « la barrière », « le gros camion » l. 30, « les pâquerettes »l. 32 / « la passerelle » l. 40 + emploi de démonstratifs « cette roue » l.11-12 / « cette ombre » l.15 / « ce vieux loup » l.19 / « cette fleur » l.38.  M. compétente, elle sait, elle connaît les hallucinations qui assaillent l’esprit du mourant.

Ex 3 : Emploi d’impératifs exhortatifs tout au long de la tirade : elle lui dit ce qu’il doit faire: l. 11 « laisse-toi », l.12 « ne la perds pas de vue », l.14 « avance »,  + l. 18,  l.22, l.24, l. 26,  l.30, l.42, l.4l, 44, 48 à 53

Ex 4: Répétition + symbole: elle exhorte 3 fois le roi à suivre la « roue embrasée » l.12-13 « laisse toi diriger pas cette roue […]. Ne la perds pas de vue,  suis la. » : La roue  est le symbole dans le bouddhisme tibétain de la succession des états multiples de l’être. La mort est un de ces états. Elle symbolise donc ici la mort. L’embrasement est le symbole de la vie qui se consume, de la mort proche. →M le Elle le guide vers la mort 

Ex 5 : question renforcée par « n’est-ce pas » :  « C’était une agitation bien inutile, n’est-ce pas ? » = acquiescement. Elle prouve l’aspect inéluctable de la mort et que la lutte du roi pendant toute la pièce était bien vaine. Elle montre au roi que mourir n’est pas aussi terrible qu’on le pense.

Ccl° :
Cette tirade met le point final à la pièce Le Roi se Meurt. Le personnage principal n’a plus la parole. C’est Marguerite, le guide spirituel et maternel, image du devoir et du pouvoir et de la mort, qui guide le roi vers sa mort et la pièce à son terme (p.37 elle avait annoncé « tu vas mourir à la fin du spectacle »).
C’est ici que se manifeste une mystique du renoncement progressif à soi. Ionesco avait écrit cette pièce pour apprivoiser sa peur de la mort. Il a affirmé ensuite que de ce point de vue,  c’était un échec. On ne peut cpdt nier que cette tragédie universelle par excellence a comme toute tragédie une fonction cathartique. A défaut de nous purger complètement de notre peur de la mort, elle l’allège le temps de la lecture et de la représentation.


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