samedi 23 juin 2018

L.A 2: « Cortège »


L.A 2: « Cortège »

8ème poème des Fêtes Galantes.
Verlaine y peint un tableau : une femme raffinée passe, précédée d’un singe de compagnie, suivie d’un négrillon qui soutient sa volumineuse robe. L’un comme l’autre sont attirés par la sensualité de cette jeune élégante qui, quant à elle, ignore les regards pleins de désirs de ces admirateurs incongrus.

PBQ : Que nous apprend ce poème sur la relation entre Verlaine et les femmes ?


I D’une part  ce poème nous dévoile le type de femme qui attire  Verlaine

A-      En effet, il aime les femmes raffinées et sensuelles

1.       Raffinées
Ex 1 : mise à la rime de mot « dentelle » v. 3 pour le mettre en évidence. Insiste sur la matière délicate et riche de son mouchoir. On imagine une belle et fine dentelle blanche.

Ex 2 Le CC de manière « avec art » v. 4 est également mis à la rime pour le mettre en évidence. Traduit le bon goût de cette femme qui a pris soin de mettre de beaux gants, bien adaptés à ses mains et sans doute en accord avec sa tenue. Car au XIXème siècle,  elle est considérée comme le reflet de la personnalité entière.

Ex 3 : L’adjectif mélioratif « somptueux » v. 15 désigne en fait la robe de la dame que porte le négrillon. Elle est luxueuse et magnifique.
femme qui a du goût, à la mode de l’époque des Fêtes galantes.

Ex 4 : les serviteurs de son cortège sont eux aussi raffinés :
Le vêtement du singe est fait d’une riche étoffe « veste de brocart » v. 1. ( soie brodée d’or ou d’argent)
Idem pour le vêtement du négrillon : « tout  rouge » v.5 = tout de rouge vêtu. Il s’agit d’une métonymie. Rouge = connotation de la richesse.

2.       Sensuelles
Ex 5 : L’enjambement de « la gorge blanche » v. 10 la met en valeur. La poitrine est un élt typiquement sensuel. On sait qu’elle est « blanche » (adjectif épithète) cô le voulait les canons de beauté de l’époque et « opulente » (adjectif apposé)  c’est-à-dire généreuse. Pour des yeux masculins, cette poitrine généreuse fait de cette femme un être désirable.

B-      D’autre part, Il semble être attiré par les femmes inaccessibles et exotiques

1.       Inaccessible
Ex1 : Pronom personnel « elle » pour la designer : on ne connaît pas son identité « elle ». Pas de portrait physique détaillé. → être mystérieux dc inaccessible
Verlaine ne nous livre que 3 éléments de son physique : main / poitrine/ robe

2.       Exotique
De par son « cortège » de serviteurs : le singe et le négrillon
Ex 2 : 2 personnages  traditionnels de l’exotisme au XVIIIème siècle.
Singe : Animal de compagnie comme Verlaine l’écrit v. 20 raffiné que doit avoir toute élégante. Sa  servilité est d’ailleurs soulignée v. 2 par les 2 verbes coordonnées de sens voisin « trotte et gambade » et par la préposition « devant elle », comme si elle le tenait par une laisse.
Le négrillon :   Fait partie de la domesticité des gens riches : apporte les rafraichissements, tient les parasols, roule les tapis etc…


II Mais ce poème nous montre aussi que Verlaine se moque des femmes et de leurs artifices : ce cortège est burlesque

Burlesque : lorsqu’un élément noble est traité de manière triviale, basse ridicule
Ce burlesque la rend comique

A.      En effet, le  portrait même de la femme est burlesque

Ex1 : v.3 elle froisse son mouchoir de dentelle. Cô si elle le chiffonnait. On peut supposer qu’elle est énervée. Fait d’elle une femme irritable ce qui contraste avec le tableau élégant qu’elle donne par ailleurs. Verlaine met d’ailleurs l’accent sur ce geste par les enjambements v.2-3. Donne de l’importance à ce geste.

Ex2 : Le mètre court, octosyllabe, donne une allure sautillante au poème et confère à la dame une démarche rapide qui renforce cette idée d’énervement.

Ex 3 : La lourdeur de sa tenue contraste  aussi  avec l’élégance et le raffinement : v.7 « lourde robe » et v.15 « fardeau somptueux ». Cette dernière expression est presque un oxymore qui montre que sa tenue se veut élégante mais ne l’est en définitive pas car trop volumineuse.

Ex 4 : Si l’on s’imagine l’ensemble du tableau, on se rend compte qu’elle occupe un grand et large volume à cause de sa robe et qu’elle est entourée par 2 petits gabarits : le singe « devant » v.2 et le « négrillon » derrière puisque « maintient les pans de sa lourde robe » v. 6-7 → tableau ridicule

Ex 5 : Métaphore implicite de la déesse  v. 11 « opulent trésor que réclame le torse nu de l’un des dieux »
·         renforce son inaccessibilité puisqu’un  dieu la réclame et fait d’elle une déesse. On comprend à ce stade de l’étude qu’il s’agit en fait d’une ridiculisation de la femme car : 
·         renvie à une image clichée : l’adjectif « nu »  laisse deviner en filigrane une scène érotique entre la femme et le dieu, elle poitrine opulente, lui torse dénudé, tous deux enlacés…
OR Cette « déesse » a pour soupirant 1 animal et un jeune domestique ce qui est peu glorieux pour une dame de qualité. 
→Verlaine se moque des artifices que déploient les femmes pour attirer les regards masculins.


B.      De plus, elle n’attire que les regards d’un singe et d’un enfant, ce qui est peu glorieux.

  1. Le singe
Ex 1 : Le personnage traditionnel de l’exotisme au XVIIIème siècle. Animal de compagnie comme Verlaine l’écrit v. 20 raffiné que doit avoir toute élégante. Sa  servilité est d’ailleurs soulignée v. 2 par les 2 verbes coordonnées de sens voisin « trotte et gambade » et par la préposition « devant elle », comme si elle le tenait par une laisse.

 Ex 2 : D’ailleurs lui aussi fait preuve de raffinement puisque son vêtement est fait d’une riche étoffe « veste de brocart » v. 1.
Mais son aspect raffiné s’arrête là : il est ridicule car habillé comme un être humain. Verlaine a joué sur le sens du verbe « singer » et l’animal. Il singe l’homme, paraît déguisé et cet accoutrement est comique.

Ex 3 : il est vicieux puisqu’il ne cesse de regarder la poitrine de la dame v.9 comme le souligne « ne perd pas des yeux ».

2.       Puis avec le « négrillon »

Lui aussi est un personnage traditionnel de l’exotisme du XVIIIème siècle. C’est un enfant.  Fait partie de la domesticité des gens riches : apporte les rafraichissements, tient les parasols, roule les tapis etc…

Ex1 : Verlaine a pu jouer sur le double sens de l’expression « tout rouge » métonymie =  tout de rouge vêtu mais aussi  rouge de confusion à cause de ce qu’il voit …
Ex 2 : Sa difficulté à tenir la robe v. 6 « à tour de bras » exp° familière qui renforce le côté burlesque du tableau
  • + v.6-7 l’enjambement insiste sur la lourdeur de la robe et sa difficulté à la porter. Ce qui semble normal puisque c’est un enfant
  • + allitération en [s] v.7 qui souligne sa confusion 
Ex 3 : Lui aussi est vicieux :
  • v. 8 « attentif à tout pli » allitération et assonance en [t] et [i] qui montre son extrême attention à une quelconque opportunité de soulever davantage.
  • v.13-14 « soulève plus haut qu’il ne faut ». L’enjambement v.13-14 souligne l’ampleur de son geste de soulèvement + allitération en  [f] v. 13-15 qui est mimétique de son effort et donc de son vice.
  • Il veut  voir … les cuisses, le pantalon de lingerie pudiquement désigné par la périphrase « ce dont la nuit il rêve ». Cette périphrase montre que justement ce dont il rêve lui est inaccessible. Il ne peut donc pas le nommer directement. Pudeur de Verlaine aussi. Le contre rejet v. 15-16 souligne l’impatience du jeune garçon.
  • v. 14 Verlaine le désigne comme un « aigrefin » malin, rusé. C’est une manière d’insister sur son vice.

CCl° : ouverture
Ce poème rappelle à la fois « L’Allée » et  « Les ingénus » qui le précèdent. L’allée parce que Verlaine y dépeint de manière moqueuse et comique les artifices déployées par les femmes pour appâter les hommes et qu’il appelle « afféteries ». Les ingénus parce qu’on y retrouve les jeux de regards impudiques, où les jeunes gens essaient de voir sous les jupes des jeunes filles qui semblent se prêter au jeu. Ce rapport de séduction se retrouve aussi dépeint dans les tableaux. On pense notamment L'Escarpolette, Jean-Honoré Fragonard, 1766

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