samedi 23 juin 2018

TC 2 : Moralités légendaires, Jules Laforgue, 1887. 1ère L


TC 2 : Moralités légendaires, Jules Laforgue, 1887. 1ère L

Intro°
Ce texte est un extrait des Moralités Légendaires écrites en 1887 par Jules Laforgue. Cet auteur fit un passage éclair dans la littérature française puisqu’il mourut à 27 ans. Son style souvent ironique et moqueur dissimule mal son désespoir existentiel et son angoisse artistique. Car Laforgue avait l’impression qu’il ne pourrait pas faire mieux que ses prédécesseurs, qu’il considérait comme des génies. C’est ce sentiment d’infériorité qui prédomine lorsqu’il reprend  le mythe de Salomé et sa célèbre danse que Huysmans et Flaubert ont si bien décrite avant lui. Laforgue vouait une grande admiration à Flaubert. Mais conscient de ses limites, il savait qu'il ne pouvait rivaliser avec son maître : sa Salomé ne pourrait être plus belle, plus séduisante, plus envoûtante que  celle d'Hérodias ; son style ne pourrait atteindre la virtuosité de celui de Flaubert. Il décide donc de donner une version neuve du mythe, bien différente de ses prédécesseurs. Au lieu d'admirer Salomé, il s'en moque →parodie ici le mythe.

·         Il nous dresse un portrait péjoratif de Salomé

-           En effet,  elle n'est plus une beauté sensuelle mais une jeune fille au physique ingrat

Ex.1 : Enumération par juxtaposition de sa coiffure soul.  le soin qu'elle a dû y apporter. Pourtant, elle est mal coiffée.
« Saupoudrer de pollen », « des fleurs jaunes » l. 11 « et des pailles froissées » →, résultat n'est guère esthétique.
« Mèche plate » l. 10, « ébouriffés » l. 10, « se défaisaient » l. 10. →Salomé est décoiffée
→Tel que la décrit Laforgue, ses cheveux sont alourdis par le pollen qu’elle y a déposé. Ils sont plats. Et les fleurs jaunes et les pailles froissées sont ridicules.
Ex 2 : Effet burlesque : l. 16 « l'accent circonflexe rose pâle » que forment ses lèvres indique que Salomé s’est dessinée les lèvres : élégance. Mais il contrebalance l’aspect élégant de ce geste en lui donnant un côté banal et trivial  en les qualifiant « d’accent circonflexe ».

Ex.3 : Même effet burlesque avec la référence à ses dents et ses gencives que son sourire laisse apparaître : « une denture aux gencives d’un rose plus pâle encore » est un détail peu élégant. Cela lui donne un aspect un peu bestial.(cheval, vache)

Ex 4 : La mention l. 8 et 28 de ces « orteils écartés » dans un aspect disgracieux à ses pieds.→ pieds palmés d’un canard.
-          En outre, sa tenue devient un accoutrement ridicule.

Ex.1 : Effet burlesque l. 12.  « La nacre » choisie comme matière de son bustier est une matière précieuse et de bel aspect. Mais élégance anéantie par la « roue de paon nain » qui y est fichée et qui entoure sa tête. Cette roue de paon nain rend la brassière ridicule. Et les couleurs « moire, azur, or, émeraude » n'ont rien d’élégant mais crée au contraire une dysharmonie chromatique, une cacophonie visuelle.

Ex. 2 : elle semble engoncée,  trop serrée dans sa robe comme le suggère l.4
 « Raide dans son fourreau », et l. 18 « hermétiquement emmousselinée ».
Néologisme : «emmousselinée ». Le préfixe «em » rend bien l'idée qu'elle est entortillée dans sa robe.
Ressemble à une larve.

→Ainsi accoutré, on comprend qu'elle ne crée pas un très grand effet lorsqu'elle rentre en scène.


·         Laforgue  se moque aussi des textes qui ont forgé le mythe

-          D'une part, il parodie des références religieuses du texte source : l’Evangile

Ex. : Laforgue parodie la crucifixion du Christ. Salomé a « un sourire des plus crucifiées » l. 17. « Ses pieds exsangues » l. 8 et 28 renvoient également à cette crucifixion. Salomé devient une sorte de Christ ressuscité, dansant devant des spectateurs. La figure du Christ est ici traitée de manière burlesque. Le texte devient blasphématoire.
On peut s'étonner que Salomé ressemble au Christ et non à Jean-Baptiste puisque c'est bien la tête de Jean-Baptiste qu'elle demande et non celle du Christ. Toutefois il ne s'agit sans doute pas d'une confusion. Rappelons que Jean-Baptiste est souvent désigné dans les Évangiles comme le précurseur de Jésus, celui qui a annoncé sa venue.

CCl° :
Laforgue a ouvert la voie à d'autres conceptions possibles de Salomé, conceptions qui s'éloignent de plus en plus du texte source des Évangiles. Ainsi Apollinaire dans son poème intitulé « Salomé » s'écarte lui aussi de l'image traditionnelle de la jeune femme que l’on a l’habitude de présenter comme une beauté sensuelle inconsciente de ses actes. Le poète ne se moque pas d'elle comme le faisait Laforgue mais il fait d'elle une jeune femme amoureuse de Jean-Baptiste qui regrette d'avoir obtenu sa mort.



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