samedi 23 juin 2018

L.A « Colloque sentimental »


L.A « Colloque* sentimental »                                   * Entretien entre 2 personnes

Dernier poème des Fêtes galantes.

Ferme le recueil d’une manière sombre, voire lugubre. Les pers. ne sont plus d’insouciants danseurs mais des spectres, c’est-à-dire des revenants, figures chères de la littérature fantastiques du XIXème siècle. On assiste à un dialogue entre 2 anciens amants. L’un se souvient avec bonheur du temps passé et heureux de l’amour. L’autre ne se souvient de rien et renie cet amour.

Comment Verlaine exprime-t-il ici le désespoir amoureux ?

I Tout d’abord, il exprime ce désespoir par un cadre spatio-temporel  lugubre

A-     En effet, la souffrance est rendue par le  décor sombre voire morbide

Ex 1 : Connotation v1 et 5 « vieux parc solitaire et glacé » on est loin du décor traditionnel des parcs des Fêtes galantes. Plutôt image d’un cimetière. Personnification du parc par les adjectifs « vieux » et « solitaire ». Idée de solitude, de vieillesse, très pessimiste qui connote la mort. L’adj « glacé » introduit l’idée de froid, froid de la fin de l’amour, de la mort.  Eau morte puissance 2.

Ex 2 : La répétition du premier distique v. 5-6 crée un refrain, une musicalité mais funèbre ici. (chanson triste)

Ex 3 : v. 15 « avoines folles « : le vieux parc est envahi par les herbes sauvages. Symbole de la fuite du temps aussi
On peut voir aussi un jeu de mot du poète. La folle avoine est l’avoine sauvage, stérile. Est-ce une manière de montrer que l’amour est désormais mort, stérile ou que c’est folie de croire à la résurrection de l’amour ?


 Ex 4 : Antithèse : par effet de contraste cet aspect morbide est renforcé par la mention au v.13 du « ciel bleu ».

B-     Le désespoir apparaît également dans l’évocation du temps

Ex 1 : fuite du tps inexorable  marquée
·         Fuite du temps matérialisée par la dégradation du décor v.1 « parc solitaire et glacé » + avoines folles→

·         l’emploi dans le discours des personnages du PC qui présente l’action comme définitivement terminée.

Ex 2 : v.16 « nuit » idée de mort aussi.

Ex 3 : v. 2 jeu sur le double sens du verbe « passer » : mourir si conjugué avec « avoir » comme c’est le cas ici.

l’amour est mort. Le temps fait son œuvre. Impossibilité de retour en arrière, c’est là le malheur.




II Ce désespoir est exprimé en outre par les personnages

A-     Car  les personnages sont morbides eux-aussi

On retrouve la correspondance paysage/ sentiments des personnages chère à Verlaine.

Ex 1 : métaphore : personnages = des « formes » v. 2  puis des « spectres » v.6  c’est-à-dire des revenants. Par métonymie, ces spectres / fantômes désignent l’amour mort que l’un des personnages tente de faire renaître. Amour revenant.

Ex 2 : Néanmoins, dans ce dernier poème, Verlaine nous plonge dans le fantastique : on hésite entre réalité et irréalité.
-          Ces personnages sont-ils des personnes ou des fantômes ?
-          Le poète est-il l’une d’entre elle ?
-          Sommes - nous dans la réalité ou  dans un rêve puisque « la nuit seule entendit leur parole » v. 16. ?
→ ≠ tableau de Watteau mais plutôt dans un tableau romantique cf définition de « romantic » = accord entre l’âme et la nature. Plus tableau de Friedrich  Homme et femme contemplant la lune ou L’abbaye dans une forêt de chênes ou L’entrée du cimetière. Comme si à la fin de son recueil, Verlaine revenait à la réalité de son siècle.

A partir de là leur description correspond au type du revenant :
Ex3 : CL de la mort :
-          v.2 « formes » non identifiée qui renvoie à l’idée du fantôme, sans contour ni physionomie particulière ;
-          V3 « yeux morts » : absence de regard,
-          v. 3 « lèvres molles » décrépitude des chairs ici symbolique car les lèvres sont symbole du baiser et de la sensualité,
-           
-          v. 4 voix assourdies « on entend à peine leurs paroles ». Sortent la nuit v.16.


B-     De plus, leurs sentiments ne sont pas réciproques, ce qui entraine le désespoir

1.      L’un est amoureux et cherche à retrouver les sentiments amoureux d’autrefois
2.      L’autre n’est plus amoureux et refuse de se souvenir

1.       
Ex 1 : Le premier tutoie v. 7-9 : rappelle l’intimité tendre d’autrefois
·         Evoque leur ancien amour qui était à la fois physique et sentimental
v.7 « extase » c’est –à-dire plaisir des ébats, v. 12 « joignions nos bouches » périphrase ( Ex 2 )  pour baiser →physique 
et « cœur qui bat » v. 9 et v.10 rêve de l’autre i .e sentiment, affect
·         Rappelle le bonheur ancien avec un CL (Ex 3): « les beaux jours », « bonheur indicible » v. 11, « ciel bleu »v.12, « espoir » v. 13. Hyperbole au v.13 (Ex 4) qui marque leur bonheur intense passé. L’enjambement v.11-12 (Ex 5) souligne la volonté du pers de retrouver cette complicité perdue. Le « ciel bleu » est une métaphore (Ex 6)  de l’amour heureux, du bonheur.
·         Les questions ( Ex 7)  qu’il pose v. 7-9-10 demandent à l’autre s’il est tjrs amoureux. Ces questions affirment en fait  son propre amour et  sont en même comme des supplications adressées à l’autre pour qu’il redevienne amoureux
·         Il manifeste son regret par l’exclamation et l’interjection ( ex 8)  v.11-12 et par la tournure intensive ( Ex 9) « qu’il était … » v. 14. Car au fond de lui, le pers sait que l’amour est fini v.7 « ancienne », v.12-13, utilisation de l’imparfait ( Ex 10)« joignions », « était ».

2.      Le deuxième vouvoie v. 8 ce qui manifeste sa distance.
Nie à la fois
·         l’amour v. 10 « non » il n’est plus amoureux
·         le nom de l’autre par l’écho ironique (Ex 11)  à la rime nom / non. Le nom de l’autre, son identité même est oubliée, voire niée par l’indifférent
·         mais aussi le souvenir même de cet amour v. 8 question rhétorique (Ex 12)  ironique qui est l’équivalent d’une négation. Reprend de manière ironique les mots de son interlocuteur pour mieux les nier. La question lui permet en outre de montrer qu’il trouve les propos de son interlocuteur  ridicules. Il trouve ridicule de se souvenir de l’amour passé.
·         Le chiasme v.13-14( Ex 13)  entre « ciel » et « espoir » souligne l’opposition des personnages qui ne partagent plus les mêmes sentiments. Il est  le symbole de leur désunion.

Pointe de sadisme v. 12 laisse entrevoir par l’emploi de l’expression « c’est possible »  la possibilité d’un souvenir avant d’en fermer définitivement la porte v.14 où il  ne laisse plus aucun espoir à l’autre v. 14. « Le ciel noir » est symbolique de la mort de l’amour. S’oppose au  ciel bleu et à l’espoir évoqué par le premier personnage.

Ccl° : dialogue universel car anonyme : qui est l’hô, la fê ?
La tentative échouée de cet  amant qui essaie de tirer du néant un amour défunt rappelle l’attitude d’Apollinaire dans Poèmes à Lou. Alors que Lou lui a clairement fait comprendre que tout était  fini. Apollinaire lui écrit des lettres- poèmes enflammés du front. Ne tente-il pas ainsi de faire revivre un amour mort ? D’ailleurs sa volonté de sous titrer ses poèmes « Ombre de mon amour » ? ne témoigne-t-elle pas, de la part du poète de la volonté de  sauvegarder ce qu’il restait de son amour (son « ombre »)





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