L.A
n°1 :L’incipit
PBQ: En
quoi l’incipit du roman annonce-t-il l’œuvre entière ?
/ En quoi
cet incipit séduit-il le lecteur ?
I Tout
d’abord, cet incipit annonce l’action / l’action interpelle le lecteur
A- En effet, on est d’emblée plongé dans l’ambiance
de la misère/ déveine qui parcourt tout le roman
1.
Métaphore l.14. : le « désert »
= la plaine + pléonasme « où rien ne pousse » →insistance l’aridité
du lieu, fondamentale dans le roman, et justification de leur solitude l.6 « seuls » et 26
« solitude ».
2.
le parallélisme : « leur coin de plaine saturé de sel, jusqu’à eux
trois saturés d’ennui.» l.13 souligne leur e dont la cause est justement
l’aridité de la terre et leur solitude : les personnages qui n’ont rien à
faire ou qui sont contraint à la routine. Cet ennui sera source de souffrance
et justifiera le désir de sortir de cet ennui qui est associé à la plaine
- par
3.
suite du parallélisme « et d’amertume » l12-13. L’amertume renvoie à l’idée d’une grande
souffrance provoquée par une déception. L’incipit annonce donc le thème de la
déception, important dans le roman : la déception de la mère face à
l’infécondité de sa concession.
4.
Hyperbole « Ils en furent
si dégoûtés, si dégoûtés, en se retrouvant sans cheval sur leur coin de
plaine » l. 24 : hyperbole par la répétition et l’intensif
« si ». Ce dégoût est à la fois un sentiment de dépression et une
révolte »
➜Tous ces sentiments négatifs sont liés à la plaine (citations). Le
lecteur peut donc en conclure qu’ils ne pourront y échapper qu’en échappant à la plaine
B- En outre, on retrouve le désir d’échapper à cette
misère, désir qui fonde le destin des personnages / le lecteur est intéressé
par …
1.
Se manifeste par le désir de
contact avec le monde extérieur comme cela est souligné dans le premier
paragraphe « ils se sentaient moins seuls, reliés par ce cheval au monde
extérieur » l. 6-7
2.
Se manifeste par le désir de
trouver « une idée ». Revient comme un leitmotiv l. 2, 4, 5, 33,
36, 41-42. ( répétition) Avoir des
idées est le seul moyen pour s’en
sortir, pour survivre. C’est ce que marque la répétition de la formule
« une idée est toujours une bonne idée » l.33- 36-37.
Une idée est
-
Une tentative d’enrayer la
spirale de l’échec comme le suggère les 2 subordonnées de concession « même si tout est entrepris de
travers » l. 35 et « même si
tout échoue lamentablement » l.38. Le roman s’ouvre sur le récit d’un
échec : l’achat du cheval et sa mort l.2 à l. 23 Ce thème revient fréquemment : l’échec des
barrages, l’échec de la vente du diamant
-
Un moyen de garder confiance en
l’avenir : Synonyme d’espoir
« Encore » l.5 « ils pouvaient encore avoir des
idées ». Tant qu’on a des idées, on peut tenter de se sortir de cette
plaine!
« Il
arrive au moins qu’on finisse par devenir impatients » l. 39-40 : un
changement va s’opérer à l’intérieur des individus qui vont sortir de leur
situation d’attentisme. Une idée va permettre l’action qui va tout changer. Toute
sa vie, la mère n’a cessé d’avoir des idées pour rendre féconde la terre de sa
concession : barrages, culture de bananes, nouveaux barrages… Dans notre
extrait même l’idée de l’achat du cheval
entraînera l’idée d’aller à Ram « ils décidèrent » l. 27 où
« ils devaient faire la rencontre qui allait changer leur vie à tous ». Cette
prolepse annonce la suite du roman. Elle donne l’espoir au lecteur d’un
changement, crée le suspense et l’incite à poursuivre sa lecture.
➜ Suzanne et
Joseph garderont tout au long du roman l’espoir de quitter
la plaine pour
enfin vivre, espoir qui se réalisera.
II D’autre
part, cet incipit annonce : le lecteur est séduit par le style de l’œuvre, le style de M. Duras
A- En effet, c’est
un style elliptique au sens large du terme : on sait peu de chose des
pers. et du cadre spatio-temporel
a)
Le cadre spatio-temporel reste vague
1.
Répétition « la
plaine ». 2 fois mentionnée, « leur coin de plaine saturé de sel » l. 12 et
« leur coin de plaine, dans la solitude et la stérilité » l.25.La présence de sel dans la terre
explique l’infertilité de celle-ci.
2.
« Ram » l. 28- 30 est en fait le port cambodgien de Réam en Indochine
française. Mais, dans cet incipit, il
n’y a rien de précis dans la
localisation : on ne sait dans quel pays se situe le roman et Ram n’est pas le
nom d’une ville connue.
3.
Indications de
temps : on ne sait rien du moment de l’histoire. Le récit comporte quelques
indications de temps : « Cela dura huit jours » l. 18, « le soir-même » l. 27,
« le lendemain » l. 28-30. Insistance sur le « lendemain » par la répétition qui souligne symboliquement
l’importance du futur dans la vie des individus/ le roman.
➜ Ce flou dans la
localisation et la temporalité est caractéristique du style de l’auteur et
marque tout le roman.
b)
La présentation des personnages
1.
deux personnages sont nommés : « Joseph » l. 14 et « la mère » l. 19.
2.
on ne sait de Joseph que peu de choses : il fume l. 3-4→ symbole de liberté,
et la mère ne nous est présentée que par
comparaison avec le cheval « bien plus vieux que la mère pour un cheval »
l. 19. Cette comparaison cheval / mère se poursuit implicitement l.20 par la
personnification « il essaya honnêtement de faire… ». On se rend
compte que les qualités de l’un glisse sur l’autre et inversement. La mère
reste honnête tout au long du roman, allant jusqu’à rembourser les banques
après la vente du diamant. Elle mourra à la fin du roman comme le cheval au
début.
3.
on sait néanmoins qu’il y a un troisième personnage puisque la
première phrase du roman l’indique « tous les trois », expression reprise ensuite l.27.
Mais rien ne précise qui est ce troisième personnage → Suzanne ne semble
pas importante. Dans la plupart des phrases, ils sont désignés ensemble par un pronom généralisant soit par « ils » l. 5-24-26-27-30
soit par « eux » l. 11, « eux trois » l. 12 ,
« leur » l.31 et « tous » l.32.
➜ Ils semblent former un groupe fusionnel
B-
De plus c’est une écriture particulière
a)
un registre courant voire familier :
1.
le lexique est d’une grande simplicité : répétitions des verbes «
faire »l. 15-16-21-31-34 x2 et « être »
l. 1-4-9x2, 11-13-18- 21-24-30-33-35-40-42
Répétition de «
quelque chose » l.8, 10, 15, 34,
2.
Voire registre familier : emploi de « la mère »l. 19 , « il creva » l. 23 , répétition du pronom
démonstratif « ça » l. 2-4-13 à la place de « cela »
b) un style proche de l’oralité :
1.
des subordonnées sans principales : « même si ça ne devait servir qu’à
payer les cigarettes de Joseph » l. 2
2.
de très nombreuses répétitions :
le nom « idée
» voir + haut
les conjonctions
« même si » : l. 2-8-35-38 et « comme quoi » l. 36-33- (anaphore)
Les adjectifs «
saturé » l.12-13 et « dégoûtés » l.24
c) un
narrateur très présent
- prolepse l.
30-31
- commentaires
du premier et du dernier paragraphe : le narrateur émet des réflexions d’ordre général.
Le pronom indéfini « on » l.15et 40-42
semble désigner tout autant les personnages que l’humanité en général. Le
présent dans le dernier paragraphe est un présent de vérité générale
➜ incite à penser que l’on dépasse le cadre de l’histoire des
personnages du roman.
➜ Bien entendu,
cette écriture se prolonge au fil des pages, donnant une atmosphère particulière
au roman
Conclusion
Bien qu’il soit peu conforme à ce que l’on
attend d’un incipit, puisque le lecteur ne sait presque rien des personnages,
des lieux et de l’intrigue, il met en place ce qui fait l’intérêt de cette œuvre.
En cela, il
rejoint la fonction première d’un incipit : intéresser et intriguer le lecteur.
Nathalie
Sarraute, dans Enfance, n’agit pas autrement : la mise en place du
dialogue entre la narratrice et son double introduit à l’univers de cette autobiographie
originale tout en attisant la curiosité du lecteur.
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