mercredi 20 juin 2018

Emission radio sur Verlaine


Emission radio sur Verlaine

 Musique d’ouverture Debussy, « Petite suite », Cortège, du début à 1 min.04

Bonjour et bienvenue sur info RC. Nous nous retrouvons pour l'émission quelques minutes de littérature. Nous allons aujourd'hui parler poésie et découvrir un grand poète français : Verlaine et son recueil Fêtes galantes publié en 1869.

En choisissant ce titre, Verlaine fait directement référence aux peintures de Watteau, peintre du XVIIIème siècle,  créateur d'un nouveau genre pictural : la fête galante justement. Comme Watteau dans ses tableaux,  dans son recueil, Verlaine, rassemble dans des parcs un petit groupe de personnes nobles et raffinées, jouant de la musique et dansant. Ils sont aussi souvent déguisés et s'amusent à interpréter des pièces de la Commedia dell'arte. Dans ces parcs, la semi obscurité, les arbres, l’eau  des fontaines rendent l'ambiance propice à un badinage amoureux auquel les personnages  succombent facilement. Mais il s'agit d'un amour éphémère qui se terminera avec la fête. Dans ce recueil, la gaité est sœur de la mélancolie.

Claude Debussy - Clair de Lune, Arabesque No1,  Piano Classical Music, du début à 38 secondes


Bienvenue dans le monde des fêtes galantes.

« Clair de lune » le poème inaugural  donne la tonalité du recueil. C'est un poème  tout en contraste qui oppose à l'apparente joie des personnages une profonde tristesse. Déguisés en comédiens italiens, les personnages jouent de la musique et chantent : ils semblent heureux. Pourtant leur chanson est en « mode mineure », mode propice à la mélancolie.

« Tout en chantant sur le mode mineur
L'amour vainqueur et la vie opportune,
Ils n'ont pas l'air de croire à leur bonheur
Et leur chanson se mêle au clair de lune,
Au calme clair de lune triste et beau »

Ces personnages font donc illusion. « Personna » en grec ne signifie-t-il pas « masque » ? Même s'ils ont mis sur leur visage le masque du bonheur, ils gardent au fond d’eux une sourde langueur. C'est sans doute l'expression de la mélancolie propre du poète.
Mais chez Verlaine cette tristesse n’est pas négative : elle est belle. Musique Musique Debussy, «  Rêverie », du début à 44 secondes.

L'un des thèmes majeurs du recueil est l'amour. On ne s'en étonne pas car la vie de Verlaine est rythmée par des passions. Celle de sa mère, tout d’abord, pour qui Verlaine est l’enfant miraculeux : il est né après trois fausses couches. Celle de Mathilde « la petite épouse » raffinée et aimante qu’il quittera pour  Rimbaud, le « Rimbe » comme il l’appelle, « l’époux infernal » qu’il a dans la peau. Délaissé par Rimbaud, il s’éprendra de deux jeunes gens et finira sa vie tiraillé entre  deux gaupes de Paris.


Dans les Fêtes Galantes, l’amour est plus raffiné, moins glauque. Il est empreint de sensualité. Dans le poème « Les ingénus »,  les jupes des demoiselles se balancent au gré du vent si bien que parfois on peut apercevoir nous dit-on « des bas de jambes» ou « des éclairs soudains de nuque blanche ». Notez qu’au XIXème siècle, les pieds et les jambes sont considérés comme très sensuels.
Dans « A la promenade », « la moue assez clémente de la bouche » apparaît comme une sorte d'invitation au  désir sensuel.

« Le ciel si pâle et les arbres si grêles
Semblent sourire à nos costumes clairs
Qui vont flottant légers, avec des airs
De nonchalance et des mouvements d'ailes.

Trompeurs exquis et coquettes charmantes,
Cœurs tendres, mais affranchis du serment,
Nous devisons délicieusement,
Et les amants lutinent les amantes, »



Mais,  cet amour ne dure que le temps de la fête. Il s'agit de flirts éphémères ou chacun joue un rôle, un « jeu dupe» comme le dit Verlaine. Les sentiments ne sont pas vraiment sincères. A travers ses poèmes, Verlaine nous dit que l’amour fait souffrir. Peut- être attend –il  autre chose, plus de constance, plus d'éternité ?
Dans « Colloque sentimental » le dernier poème du recueil, le poète observe un couple. L’un est encore amoureux mais l'autre a définitivement tiré un trait sur leur histoire d'amour. Il ressort de ce poème une grande mélancolie, une profonde tristesse qui plonge le lecteur dans le pessimisme.


Musique : Philippe Jaroussky : "Colloque Sentimental" de Debussy et Verlaine pour les trois premières strophes. De 0 à 1 min 10

(Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux formes ont tout à l'heure passé.

Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles,
Et l'on entend à peine leurs paroles.

Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux spectres ont évoqué le passé.)

Puis lecture par 2 élèves différents :

- Te souvient-il de notre extase ancienne?
- Pourquoi voulez-vous donc qu'il m'en souvienne?

- Ton cœur bat-il toujours à mon seul nom?
Toujours vois-tu mon âme en rêve? - Non.

Ah ! les beaux jours de bonheur indicible
Où nous joignions nos bouches ! - C'est possible.

- Qu'il était bleu, le ciel, et grand, l'espoir !
- L'espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir.

Musique : Philippe Jaroussky : "Colloque Sentimental" de Debussy et Verlaine pour la dernière strophe. De 3 min 05 à 3 min 33

(Tels ils marchaient dans les avoines folles,
Et la nuit seule entendit leurs paroles.)

Alors, comme pour se venger de la cruauté de certaines femmes envers lui, Verlaine se moque d’elles.
Dans « Cortège » il la ridiculise en faisant d’elle l’objet du désir  d'un singe est d’un petit enfant serviteur noir.

« Le singe ne perd pas les yeux
La gorge blanche de la dame,
Opulents trésors que réclame
Le torse nu de l'un des dieux ;

Le négrillon parfois soulève
Plus haut qu'il ne faut, l'aigrefin,
Son fardeau somptueux, afin
De voir ce dont la nuit il rêve ; »

Dans « L’allée », il lassimile à des « perruches » qui au sens figuré désignent des femmes bavardes tenant des propos sans intérêt. Il se moque de ses vêtements démodés et de tous les froufrous de sa tenue :

 « Fardée éteinte comme au temps des bergeries,
Frêle parmi les nœuds énormes de rubans,
Elle passe, sous les ramures assombries,
Dans l'allée où vers dix la mousse des vieux bancs,
Avec mille façons et mille afféteries
Qu'on garde d'ordinaire perruches chéries. »
Musique C. Debussy, Fantoches pour piano seul, de 41 seconde à 1 min 12.


Enfin, nous terminerons cette émission en parlant de la musique dans les Fêtes galantes. Car on ne peut parler de la poésie verlainienne sans aborder la musique. Dans son très célèbre « Art poétique »  Verlaine déclare que la poésie doit être « De la musique avant toute chose » et « De la musique encore et toujours !».
Cette musique, Verlaine l’imprime dans le style même de sa poésie. Pour cela, il utilise différents procédés stylistiques tels que
·         le vers impair dans « Mandoline » écrit en heptasyllabes
·         les rimes internes dans « Clair de lune » par exemple
·          les assonances et  les allitérations
·         Les  diérèses

 Mais, outre ce travail formel,  ce qu'il faut retenir essentiellement de la musique Verlainienne c’est qu’elle traduit les sentiments du poète. N’oublions pas que Verlaine était un poète symboliste et que sa poésie est suggestive : elle exprime plus que ce qu'elle dit explicitement.

En général, chez Verlaine c'est une musique propice à la rêverie et à la mélancolie, une musique douce « en mode mineur » comme nous l’avons dit au début de l’émission, une musique empreinte de langueur et de tristesse.
Musique Debussy, « Des Pas Sur La Neige », du début à 44 secondes


Mais lorsque le désespoir est  trop fort, la musique laisse place au silence, un silence de détresse et d’accablement. C'est le cas dans « En sourdine » où l'on n’entend que « le souffle berceur et doux » du vent et le chant du rossignol » qui incarne  « la voix du désespoir » du poète comme le dit Verlaine lui- même.

Calmes dans le demi-jour
Que les branches hautes font,
Pénétrons bien notre amour
De ce silence profond.

Laissons-nous persuader
Au souffle berceur et doux
Qui vient à tes pieds rider
Les ondes de gazon roux.

Et quand, solennel, le soir
Des chênes noirs tombera,
Voix de notre désespoir,
Le rossignol chantera.

 Le rossignol est  le symbole de la souffrance du poète, de son spleen.


La musique légère, mélodieuse et insouciante à peu de place dans les Fêtes galantes. Si bien que l’on se dit parfois que Verlaine aurait dû intituler son recueil Drames galants.


La grande musicalité des poèmes de Verlaine a inspiré  Claude Debussy qui a écrit 6 mélodies sur les poèmes des Fêtes galantes. Ce sont ces mélodies et d’autres du même compositeur qui nous ont accompagné durant toute cette émission.

Musique, Claude Debussy, Valse romantique, du début à 38 secondes.

C'est sur ces notes du compositeur que nous terminons notre pause verlainienne. Nous nous retrouverons l'année prochaine pour une nouvelle émission quelques minutes de littérature sur info RC



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