vendredi 15 juin 2018


Textes complémentaires Séquence Le Roi se meurt

Comment ces extraits nous renvoient-ils une image de nous-mêmes ?
1.      TC1, Jean Paul Sartre, Les Mouches, 1943, p. 164.
Pièce écrite sous l'Occupation allemande. Sous le mythe grec, Sartre dissimule une réflexion sur la responsabilité des résistants. En effet des actes de résistance peuvent avoir des conséquences sur des innocents, comme lorsque des otages sont exécutés après des actes de terrorisme. Le sens critique de la pièce échappa à la censure de la collaboration.

Electre éprouve différents sentiments qui pourraient être les nôtres face à un matricide. On est en pleine catharsis.
-          l’hésitation : La répétition du verbe « vouloir » : « je l'ai voulu ! » Ligne 2, 17, 19, « je le veux, il faut que je le veuille encore »  donne l’impression qu’elle veut s’en convaincre elle-même. Elle se redit aussi : ligne 2-3. Le verbe « il faut »  indique qu’elle n’est plus sûre du tout de vouloir tuer sa mère.
-          La peur : La répétition de « elle va crier » l. 10 démontre qu’Electre redoutent les cris de sa mère. La comparaison « comme une bête » montre que ces cris lui font horreur.
-          Joie exaltée, scandée par les répétitions des phrases exclamatives l. 20 « qu’elle crie ! Qu’elle crie ! », l.21 « joie ! Joie ! ». Mais joie factice car …
-          en même temps tristesse comme le souligne l’antithèse entre « j'ai joui de cette mort par avance » et « à présent, mon cœur est inséré dans un étau » l. 14-15
Incapacité à se réjouir vraiment de cette mort. Sans doute se sent-elle coupable.

Electre est en proie à un dilemme. Mais ce monologue ne lui permet pas de résoudre le conflit intérieur qui la torture. Il est au contraire une prise de conscience d'un désordre irrémédiable et d’un acte irréparable. On est en pleine tragédie.


2.      TC 2, Jean Genet, Les Bonnes, Scène d’exposition, photocopie.
Solange et Claire ressentent essentiellement de la jalousie, sentiment très courant chez les hommes et cette jalousie  les rend violentes.
-          Jalousie vis-à-vis de Madame, qui est leur supérieur et dont elles jalousent la féminité et le raffinement : Le champ lexical des atours  de la maîtresse le montre qu’il y a une rivalité féminine: « beauté, parfums » l., « poudre, vernis à ongles, soie, velours, dentelles » l.  Ceci est confirmé par l’antithèse entre le raffinement de Madame et la trivialité de la bonne que l’on voit dans le parallélisme « vous avez vos fleurs, j'ai mon évier »  et  par les  références au ménage pour la bonne  « cuisine «  éviers». La bonne est présentée comme un être souillé et impur comme le montre les références à la puanteur : « exhalaisons », « odeur de mes dents » (périphrase pour désigner par euphémisme la mauvaise haleine), « rot» (odeur nauséabonde remontant des éviers).

-          Jalousie l’une vis-à-vis de l’autre : Le lapsus  par lequel Solange redevient Solange brise la cérémonie et révèle un conflit entre les 2 sœurs. « Car Solange vous emmerde ! » L'insulte ne vise pas Madame mais Claire. On pressent donc une violence entre les 2 sœurs qui semblent trouver son origine dans une rivalité féminine autour du personnage du laitier. Dans les pages qui suivent l'extrait, on apprendra en effet que ce n'est pas Madame qui tente de séduire le laitier mais les bonnes qui se disputent ses faveurs.

→ Cette jalousie les rend violentes : cette violence s'exprime physiquement par une gradation ascendante rendue par les didascalies : « elle crache sur la robe rouge » de Madame « marchant sur elle », « elle gifle Claire », « elle tape sur les mains de Claire qui protège sa gorge »,  « elle semble sur le point d'étrangler Claire. » → la violence va crescendo : la bonne crache, frappe, puis finit par entreprendre d'étrangler sa sœur/Madame.

Comme le dit Genet : « Je vais au théâtre afin de me voir, sur la scène (restitué en un seul personnage ou à l’aide d’un personnage multiple et sous forme de conte) tel que je ne saurais -ou n’oserais- me voir ou me rêver, et tel pourtant que je me sais être »


3.      TC3, Samuel Beckett, En attendant Godot, 1952, p. 166-167.

Cette sc. d’exposition souligne le tragique et l’absurde de l’existence de V et E.
-           les éléments du décor suggèrent un non-lieu sur un chemin désertique et peu engageant : « route à la campagne,  avec arbre. Soir. Estragon, assis sur une pierre »
-           les personnages sont des vagabonds, dans un extrême dénuement. Ils dorment dehors et sont victimes de violences de la part d'individus non définis : l.20-25. Si Vladimir conseille à Estragon d'enlever ses chaussures tous les jours, c'est qu'il ne le fait pas forcément, peut-être par crainte qu'on ne lui les vole. En tout cas cela suggère qu'il dort avec, qu’il est  un SDF.
-          Vladimir et Estragon sont tous les deux dans une grande solitude et la perte de l’autre pourrait mettre celui qui reste en danger. C'est pourquoi Vladimir manifeste un certain soulagement et une joie de revoir Estragon ligne 14 et 16.  Ils ont besoin l'un de l'autre comme le montre les 29 à 31 pour supporter leur existence vide. Chacun remplit la vie de l'autre.
-          On ne sait rien de leurs projets. Il donne donc l'impression de personnages pathétiques, sans but, au bord du suicide évoqué comme une idée déjà ancienne : « on se résultait en bas de la tour Eiffel » l.37
-          leur vie se limite à de petits détails vestimentaires auxquels il semble veiller envers et contre tout. Même si leur laisser-aller vestimentaire est aussi le signe d'un manque de respect de soi, il s'accroche pourtant autant qu'ils peuvent avoir une mise correcte 56 à 59.

→V et E sont le reflet de la condition humaine : l’homme est en proie à une profonde solitude. Démuni  dans un monde hostile, il erre sans but et essaie de se maintenir en vie en s’accrochant aux autres.

4.      TC 4, Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde, 1990, p. 173 à 175.

Cet extrait présente une dispute ordinaire d’une famille vraisemblable (qui pourrait être la nôtre) ?
-          la famille imaginée par Lagarce est vraisemblable. Louis a disparu pendant des années. Il ne s'est occupé ni de sa mère, ni de sa sœur, contrairement à Antoine qui est resté auprès d’elles. C'est pourquoi Antoine se sent incompris et mal aimé quand il voit que les femmes, sa sœur surtout, sont aux petits soins pour Louis. Sa jalousie et son envie de meurtre inconscient se voit dans la dernière réplique : « tu me touches : je te tue » l. 55
-          il s'agit d'une dispute puérile, comme il en arrive souvent dans les familles. Ici il s'agit de savoir qui ramènera Louis à la gare.
-          Comme dans de nombreuses familles, les relations sont fondées sur la difficulté à communiquer, l'incompréhension mutuelle. Antoine s'est vu reprocher une forme d'agressivité et se révolte contre cela l. 22,23 « je ne suis pas brutale. Vous êtes terribles, tous, avec moi » et l. 37 à 39 : « vous en êtes à me regarder comme une bête curieuse, il n'y avait rien de mauvais dans ce que j'ai dit, ce n'est pas bien, ce n'est pas juste, ce n'est pas bien d’oser penser cela » et quand Louis prend sa défense, c'est tout aussi maladroit. Antoine y entend comme une forme de condescendance l. 26  «Oh, toi, ça va, « la Bonté même » ! ». Il se sent mal jugé par toute sa famille l. 45 à 48 « ce ne peut pas toujours être comme ça, ce n'est pas une chose juste, vous ne pourrez pas toujours avoir raison contre moi, cela ne se peut pas »
ce qui est implicitement en débat ici, c'est ce que chacun pense de l’autre, la façon dont chacun est jugé dans une famille et le rôle qu’il y tient.


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