L.A 4 :
Oscar Wilde, Salomé, 1891
Introduction :
Ce texte est un
extrait de Salomé, une tragédie
d'Oscar Wilde publiée en 1891. Oscar Wilde est un écrivain irlandais, chef de
file des esthètes, courant littéraire recherchant la beauté et le raffinement
dans l’art. Mais, dandy excentrique, il n’hésite pas aussi à choquer la bonne
société londonienne.
On retrouve ce
mélange de beauté esthétique et de provocation dans sa pièce Salomé, inspirée de l'histoire biblique. Car
Oscar Wilde prend de grandes libertés avec le mythe originel. Pour lui, Salomé
est amoureuse de J.B. Elle demande à voir le prisonnier qu’ Hérode a enfermé
dans une citerne et dont on entend souvent la voix. Lorsqu’elle le voit, elle
est séduite. Mais iI la rejette non seulement parce qu’elle est la fille
d’Hérodias, mais aussi parce qu’il est tourné vers la seule gloire de Dieu dont
il est le relai. Il n’éprouve aucun désir humain. Salomé, elle, est séduite par sa beauté. Elle veut
l’embrasser et lui demande plusieurs fois la permission de le faire. Il refuse.
Elle déclare alors de manière prémonitoire : « je baiserai ta bouche ».
Pour réaliser son désir, Salomé se sert d’Hérode qui éprouve une attirance
incestueuse pour sa nièce. Il lui a plusieurs fois demandé de danser pour lui.
Elle va s’exécuter mais auparavant, elle obtient la promesse du tétrarque
qu’elle obtiendra de lui en récompense tout ce qu’elle voudra. Elle demande
alors la tête de JB. Dans notre extrait, elle l’a obtenue et peut réaliser son
souhait en donnant à I un baiser nécrophile.
PBQ : Pourquoi peut-on dire ici que Salomé exprime la
passion* amoureuse ?
*Passion :
amour intense qui fait souffrir. Vient du latin « patior » =
supporter, souffrir
I.
Tout d'abord,
Salomé et Jean-Baptiste un amour puissant
A.
En effet, elle l’idolâtre
Ex 1 : Le verbe aimer est répété 5 fois au présent et
au passé composé l. 14 et 23 (4 fois). Même si Jean-Baptiste est mort, elle
continue de l'aimer comme le montre l'emploi du présent et l'adverbe « encore »
l. 23. Les [… ] l. 23 semblent indiquer que cet amour ne finira pas. Il s'agit
d'un amour éternel. l. 14 l'adjectif « seul » indique que Jean-Baptiste est son
unique amour. Il s'agit donc d'un amour absolu. Puisque « tous les autres
hommes [lui] inspirent du dégoût » l. 14. C'est un amour fo. D'ailleurs Salomé
n'a-t-elle pas été folle de faire tuer Iokanaan pour pouvoir l'embrasser ?
Ex 2 : l. 15 à 18 : 3 métaphores mélioratives
lui permettent d'insister sur sa beauté. « Ton corps était une colonne d’ivoire
sur un socle d'argent. C'était un jardin
plein de colombes et de lis d'argent. C'était une tour d'argent ornée de
boucliers d'ivoire. » L’utilisation des matériaux précieux tels que l’ivoire et
l'argent renforce la beauté de I. Comme les colombes et les lis, ces matériaux
symbolisent la pureté.
⇒ On a l'impression que Iokanaan est une statue grecque. Dans
l'esprit de Salomé, il n'était pas un homme réel. Il a été fantasmé.
Ex 3 : Les 3 comparaisons qui suivent :
«Il n'y avait rien au monde d’aussi blanc que ton corps. Il n'y avait rien au
monde d'aussi noir que tes cheveux. Dans le monde tout entier il n'avait rien
d'aussi rouge que ta bouche. » Ces 3 comparaisons se font à la faveur de I qui
devient un être exceptionnel. La comparaison au monde est hyperbolique. Les couleurs
contrastées de son physique (blanc, noir, rouge) font sa beauté.
→On remarque un
rythme ternaire dans cette
description méliorative du physique de Iokanaan : 3 métaphores, 3 comparaisons.
Ce rythme ternaire est synonyme de perfection. Pour S, I incarne la perfection
physique.
Ex 4 : Salomé utilise une
métaphore pour décrire la voix de Jean-Baptiste : « ta voix était un
encensoir qui répandait d'étranges parfums, et quand je te regardais
j'entendais une musique étrange ! » Cette métaphore est faite de synesthésies :
« Ta voix »
« j'entendais, musique »: ouïe
« encensoir »
/ « parfums » : l'odorat
« regardais »
: la vue
Ces synesthésies montrent que Salomé est comme
envoûtée par Jean-Baptiste comme le montre l'adjectif « étrange ». Elle
était sous le charme
B.
En outre,
Salomé désire ardemment I
Ex 1 : elle répète 8
fois le verbe « baiser » et ce toujours en début de phrase ou de propositions ce qui permet de mettre en
évidence son désir charnel.
Ex 2 : la comparaison l. 2 « Je la
mordrais avec mes dents comme on mord un fruit mûr » est érotique. Comme le baiser, la morsure fait partie des pratiques
sensuelles des amoureux. La référence au « fruit mûr » renvoie à l'Ancien
Testament et à la pomme du péché originel. Salomé renvoie donc indirectement à
l'acte charnel.
Son désir
s'exprime par le recours au champ lexical de l'alimentation.
Ex 3 : l. 24 le parallélisme « j'ai soif de
ta beauté. J'ai fin de ton corps » montre que Jean-Baptiste est pour elle
un besoin vital.
Ex 4 : Les négations l. 24- 25 « Et ni le vin,
ni les fruits ne peuvent apaiser mon désir »/« ni les fleuves, ni les grandes eaux,
ne pourraient éteindre ma passion » montre que son désir est immense et inextinguible.
Ex 5 : La métaphore du feu qu'elle
utilise l. 25 et 27 avec « éteindre » « tu as rempli mes veines de feu » est
traditionnelle pour exprimer la passion en littérature.
Ex 6 : L. 26- 27
l'antithèse « j'étais une vierge, tu m'as déflorée. J'étais chaste, tu as
rempli mes veines de feu » montre que pour Salomé, même si l'amour n'a pas été
réciproque ni consommé, elle le considère comme une vraie relation qui aurait
eu un aboutissement physique. Iokanaan lui a fait perdre son innocence de jeune
fille. Il a fait naître en elle les flammes du désir.
II Mais cet amour est funeste
A.
D’une part, il est empreint de haine
1.
De la part de
Jean-Baptiste tout d'abord qui ne partageait pas l'amour que Salomé éprouve
pour lui.
Ex 1 : Salomé demande 4 fois à la tête de Jean-Baptiste
« pourquoi ne me regardes-tu pas ? »
Ou « Pourquoi ne m'as-tu pas regardé ? » l. 4,5 – 6, 20,27. On
comprend que Iokanaan ne lui a pas accordé un seul regard. Or le regard est le
vecteur de l'amour. I ne lui a jamais accordé un regard puisqu’il ne l’aimait pas, au contraire.
Ex 2 : Salomé compare par la langue de Jean-Baptiste
a un « serpent » ou « une vipère » l. 7-8 et 9. Elle
insiste sur cette comparaison. Le serpent symbolise le mal , la méchanceté.
Ne dit-on pas d’une personne médisante qu’ elle a une
langue de vipère ? Iokanaan critiquait Salomé. Il la considérait comme
elle le dit plus bas comme « une courtisane, une prostituée » l. 10. Il disait
sur elle « des choses infâmes », l. 20 des « blasphèmes ». Par ce
vocabulaire péjoratif, on comprend que Iokanaan n'a pas été séduit par Salomé. Sans
doute parce qu'elle était la « fille
d'Hérodias ». Or le prophète condamnait Hérodias parce qu'elle avait
épousé le frère de son ex-mari. Car dans
la loi juive cela était interdit et considéré comme un inceste. Pour Iokanaan, Hérodias avait souillé de son
crime, de son immoralité, toute sa famille, toute sa descendance.
Ex 3 : Les hyperboles l. 4 -5 permettent à
Wilde de montrer à quel point Iokanaan détestait Salomé
2.
De la part de
Salomé qui suit La Rochefoucauld selon
lequel : «L'on veut faire tout le bonheur, ou, si cela ne se peut ainsi, tout
le malheur de ce qu'on aime. » ( Maximes, » Du cœur »)
Ex 4 : les interjections
« Ah ! » et « Eh bien » l. 1 et 3 et la répétition de « je te l'ai
dit » l. 3 sont la preuve que la vengeance de S. s'accomplit et qu’elle semble
en éprouve une certaine satisfaction.
Ex 5 : l'antithèse l. 11 12 « moi je vis encore,
mais toi tu es mort et ta tête m’appartient » est une phrase de triomphe.
Salomé ressort victorieuse. Le désir de possession de Iokanaan est enfin
réalisé. Mais elle semble oublier qu'il est mort. Oui elle a triomphé, mais au
prix de la mort de celui qu'elle aimait.
Ex 6 : L. 42 le parallélisme entre « la
saveur du sang » et « la saveur de l'amour » montre que pour
Salomé, l'amour est lié à la mort.
B.
D'autre part
parce que cet amour entraîne la mort
1.
Tout d'abord la
mort de Jean-Baptiste.
Ex 1 : L. 12- 13 Salomé fait référence à la
mort de Jean-Baptiste, à sa décollation. Elle le menace de le priver de
sépulture ce qui, autrefois, était considéré comme gravissime puisque, sans
sépulture, l’âme du mort ne pouvait accéder au repos et devenait errante.
2.
Mort de Salomé
Ex 2 : Hérode donne l'ordre l. 46 de tuer Salomé. L'impératif qu'il utilise et la
didascalie « ils s'élancent et écrasent sous leurs boucliers Salomé » nous font
assister en direct à la mort de la jeune femme.
Or, c’est à
cause de son amour pour I que Salomé meurt. La décollation qu’elle a demandée
pour pouvoir assouvir son désir la rend « monstrueuse » comme le dit Hérode l.31
3.
→L'ambiance est
tragique. On pense à Phèdre qui se trouve monstrueuse face à Hippolyte
qu'elle aime et qu'elle conduira, comme Salomé avec Jean-Baptiste, à la mort.
Ex 4 : la fatalité apparaît avec le présage d’un
malheur comme le soul. Hérode lorsqu'il répète
le mot « crime » l. 32. Qui dit « crime » dit punition/
justice. Ici, il craint la vengeance divine « d’un Dieu
inconnu ». D’où sa certitude d'être voué au malheur l. 35 « je suis sûre qu'il va arriver malheur ». Pour essayer de se prémunir contre
ce malheur informe, il ordonne la mort de Salomé. / il sacrifie Salomé, comme
on sacrifie un animal afin d’apaiser les dieux.
Ex 5 : CL du noir qui se répand sur la scène l. 35- 36 « éteignez
les flambeaux » qu’Hérode répète
3 fois, « cachez la lune ! Cachez les étoiles ! », « Un
grand nuage noir », « tout à fait sombre », nous plonge dans une
ambiance funeste. On a l’impression qu’Hérode ne veut pas qu’il y ait de témoin
de la mort de Salomé. Comme si sa mort suffisait à effacer sa faute et à
éloigner le malheur.
Ouverture de
Concl° :
La mise à mort
de S n’apparaît que chez Wilde. Pourtant, le mythe ne meurt pas avec elle. Au
début du XXème siècle, G. Apollinaire nous donne une nouvelle vision de Salomé
qui ressemble à celle que propose Wilde : amoureuse du Saint, elle
regrette d’avoir demandé sa mort. Sans JB, sa vie est vaine et insensée. Elle
en perd la raison… elle ne va pas
jusqu’au baiser nécrophile comme chez Wilde mais elle imagine un mariage
macabre sur la tombe du Saint.
N.B :
·
Plus exotique
·
Fait disparaître sa fonction chrétienne de baptiste, celui
qui baptise. Ne reste qu’un nom d’homme, ce qui le rend plus désirable.
·
nombreuses répétitions : rappelle le Cantique des cantiques, livre de
l’Ancien Testament. Echange de passages amoureux entre un homme et une femme.
-
L.24 C d C « «que ta bouche m’enivre comme le bon
vin », « à notre porte nous avons tous les fruits exquis », je
te ferai goûter à mon vin parfumé » « « toute l’eau des céans
ne suffirait pas à étendre le feu de l’amour »
-
L.29 C d C
« l’amour est aussi fort que la mort
·
L.13 sort réservé dans la Bible aux infâmes
·
L.32 l’approbation d’Hérode est une parodie de la parole
de Dieu « Celui-ci est mon Fils, le Bien aimé, qui a toute ma faveur »
·
L. 37-39 les ténèbres = mal, châtiment, mort
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