samedi 23 juin 2018

L.A 2: A Rebours, Huysmans p. 418- 416


L.A 2: A Rebours, Huysmans p. 418- 416

Intro °:
1.       Ce texte est un extrait d’A rebours, écrit par Joris -Karl Huysmans en 1884. D’abord romancier naturaliste et admirateur de Zola, il rompt avec ce mouvement littéraire pour se tourner vers l’esprit décadent dont  A rebours est représentatif. En effet, le titre signifie que le roman se place  « à rebours » de la conception habituelle de l'art : pour les décadents, le laid participe de l'art, les phénomènes dégoûtants sont attrayants. Les décadents recherchent l'étrangeté et le bizarre. Par exemple, le héros du roman, Des Essaintes, fait preuve de cynisme « Fais aux autres ce que tu ne veux pas qu'ils te fassent ; avec cette maxime tu iras loin ». Il émet aussi des réflexions sur l’art et la littérature qui vont souvent à l’encontre du goût commun. 
2.       C’est justement d’une œuvre d’art qu’il s’agit dans notre extrait. Le héros, fasciné par Moreau, a acheté deux tableaux de Salomé. Il décrit ici l’un d’entre eux, L’apparition, une huile sur toile. Il décrit la posture de la jeune femme, son vêtement et l’effet qu’elle produit sur lui. Il se remémore également le texte religieux à l’origine du mythe.
3.       Lecture
4.       Il est alors intéressant de se demander comment des Esseintes donne ici vie à la Salomé de la Bible et de Moreau ?
5.       Pour répondre à cette question, nous verrons tout d’abord que Huysmans fait de Salomé un être de chair et de sang (I). Mais il ne se contente par de lui donner un corps : il lui donne aussi une âme, une épaisseur psychologique. (II)


PBQ :
Comment des Esseintes, en décrivant le tableau de Moreau,  donne- t-il  ici vie à la Salomé de la Bible?


I Tout d’abord Des Esseintes, dans sa description, fait de Salomé un être de chair et de sang : il lui donne un corps vivant

A.      En effet, il lui donne une apparence physique

Alors que, comme H le rappelle lui-même l.27 à 36, le texte biblique ne mentionne aucunement le physique de S, Moreau et DE lui donnent quant à eux un vrai physique
La Salomé ici décrite est magnifiquement vêtue et sensuelle

Ex 1 : hypallage « robe triomphale » l.10 souligne sa beauté, sa majesté, son assurance et la fait qu’elle va obtenir ce qu’elle veut
Ex2 : CL des bijoux : « colliers l. 8,  « les diamants » l. 9, « les bracelets » l. 9, «  les bagues »  l. 10. et l. 10 -11 « sa robe couturée de perles ramagée d'argent, lamée d’or » = robe incrustée d’or et d’argent, « orfèvreries » l. 11, « pierre » l. 12 → richesse extrême, luxe
Ex 3 : CL de la brillance confirme ce luxe: l’or et l'argent l. 11, « scintillement » l. 9, «  les étincelles »  l. 10, les adjectifs « éblouissants » et « jaune aurore » l.14 → Moreau la met en valeur ds son tableau. Brillance=  éclat de la tenue,  on ne voit qu’elle. 
Ex 4 : CL de la sensualité avec l. 13 « la peau rose thé », « la chair mate », « la moiteur de sa peau » l.9 et la mention de « ses seins » l. 7 dont les « bouts se dressent » l.8. Cette dernière précision évoque l'excitation qui anime Salomé et suggère le désir qu’elle peut susciter.


B.      D’autre part, il l’anime de mouvements et lui donne une gestuelle

Le texte biblique se contente de  dire quelle « dansa » l. 28. DE lui est beaucoup plus précis.
Ex1 : juxtaposition l.2 à 4: « le bras gauche étendu, en un geste de commandement, le bras droit replié, tenant, à la hauteur du visage un grand lotus, s’avance lentement sur les pointes » →  avec la juxtaposition, impression que Salomé déploie peu à peu ses mouvements, comme un ralenti, souligné d’ailleurs par l’adverbe « lentement ». = tableau de Gustave Moreau 
Ex 2 : verbes d’action : l. 7 « ces seins ondulent", « leurs bouts se dressent » l. 7
Ex 3 : métaphores concernant ses bijoux qui eux-mêmes bougent ou prennent vie
·         « ses colliers qui tourbillonnent »
·         «  ses bracelets, ses bagues, ses ceintures crachent des étincelles » l. 10.
·         par une sorte d’alchimie mystérieuse («  entre en combustion » l. 12), grâce à leur éclat, ses bijoux deviennent des serpents l. 12 « croise des serpenteaux» l. 13, « des insectes splendides aux élytres éblouissants »l. 13-14  et ils « grouille[nt] » l. 13  → métaphore animalière qui ne donne pas un côté bestial à la danse de Salomé mais la rend terriblement vivante et justifie les adjectifs « surhumaine et étrange » que DE emploie pour la désigner l. 42-43

→Ce mouvement que des Esseintes interprète à partir du tableau est conforme au thème de ce tableau à savoir la danse de Salomé « qui doit réveiller les sens assoupis du vieil Hérode » l. 7. Le mouvement de Salomé, son dynamisme doit se communiquer au Tétrarque.

II En outre, DE donne à Salomé une âme, une épaisseur psychologique. C’est quelqu’un d’ambigu.
A.      D’une part, elle apparaît pour DE comme noble et quasi  divine

Ex 1 : juxtaposition + gradation « face recueillie, solennelle, presque auguste » l.6  qui la présente  comme
→ concentrée sur sa danse, très sérieuse, dans une bulle. Cste de ce qu’elle fait.
→ digne d’être vénérée donc comme une divinité (adj. « surhumaine »  l. 42-43). D’ailleurs les 3 adj. appartiennent au vocabulaire religieux.
→elle a donc un côté divin. Ne danse-t-elle d’ailleurs pas dans une « église » l.1 ?

Ex 2 : la comparaison l. 16 « concentrée, les yeux fixes, semblable à une somnambule » → rappelle qu’elle est dans sa bulle, concentrée mais en même temps suggère qu’elle a perdu le contrôle d’elle – même. Est-ce parce qu’elle est entrée dans une sorte de transe ou parce qu’elle est en fait sous les ordres de sa mère ( comme télécommandée) comme le suggère l’expression l. 17 « qui la surveille ». On retrouve cette idée d'une Hérodias qui contrôle sa fille avec l’expression l.31 « induites par sa mère ».

B.      Mais Elle est aussi présentée comme coupable et dépravée

Ex 1 : l.1 et 6,  il utilise 2 hypallages (donne la qualité du personnage à un objet / éléts non animés)  l’adjectif « perverse » pour désigner l'odeur qui règne dans l'église et l.6 « lubrique »  pour désigner la danse de Salomé . Or, ce n’est pas l’odeur ni la danse qui sont  perverse / lubrique mais  Salomé.  Ces deux adjectifs renvoient à l’idée d’une sexualité dévoyée condamnée par D.E et par la Bible. Ils ont une connotation religieuse et renvoie au pêché capital de la luxure.
Ex 2 : vocabulaire péjoratif : l.39 sa danse = « actives dépravations »
Ex 3 : Verbe de sentiment  « frémit »l.17 = frémissement de désir. Salomé suscite le désir = pécheresse = Eve tentatrice, coupable
Ex 4 : CL de la religion. Si DE se plaît à utiliser autant de références religieuses, c’est pour créer un effet de contraste et rendre Salomé encore plus coupable. Ttes ses références = écho de sa concience qui lui rappelle que  susciter ou exciter volontairement le désir d’autrui est condamné par l’église.
Ex 5 : symbole des serpentaux l.13 = le Mal, Satan. On rettrouve cetteréférence à Satan l.18 avec « hermaphrodite » Satan est en effet surnommé « Le Grand hermaphrodite ».

→cette psychologie renvoie au côté décadent de Huysmans : sa Salomé est un mélange de beau et de laid. Elle va à l’encontre de la morale traditionnelle et renforce sa beauté par l’immoralité et la dépravation qu’elle dégage.




CCl° : ouverture
La Salomé de Huysmans, par son ambiguïté et sa décadence, devient fascinante et permet une nouvelle perception du personnage. Une perception qui ne fera que s’enrichir au fil des réecritures. Ainsi, Oscar Wilde fera d’elle une femme amoureuse du Saint, qui par dépit amoureux demandera sa mort… parce que JB a refusé ses avances.












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