samedi 23 juin 2018

L.A 1 : Hérodias, Flaubert, 1877


L.A 1 : Hérodias, Flaubert, 1877

 Introduction

1.      Flaubert est un célèbre écrivain réaliste. Il rédige « Hérodias » en 1876 et le publie  dans le recueil de nouvelles Trois Contes. L’idée de conter ce célèbre épisode biblique lui vient sans doute de l’engouement de la fin du siècle pour la figure de Salomé tant en littérature qu’en peinture. On sait que Flaubert admirait les tableaux de Gustave Moreau qui a représenté près de 200 fois Salomé.  Natif de Rouen, il connaît aussi bien l’un des haut-reliefs de la cathédrale de Rouen, représentant le banquet d’Hérode, la danse de Salomé, la décollation de Jean et la tête décapitée tendue par Salomé à sa mère Hérodias.  Pour rédiger ce conte, Flaubert a également emprunté à l’esprit décadent de la fin du siècle un vocabulaire recherché.
2.      Notre extrait se situe à la fin de la nouvelle lors du festin offert par Hérode. Dans l’œuvre de Flaubert, le tétrarque  n’est plus attiré par sa femme qui a vieilli. Du haut de sa citadelle, il regarde souvent les jeunes filles, sur les toits des maisons.   Ce banquet est annoncé dès l’incipit et le lecteur – qui connaît la légende biblique – est dans l’attente de la célèbre danse.
3.      Lecture
4.      Pbq : il est alors intéressant de se demander quelle vision de Salomé nous offre Flaubert dans ce passage.
5.      Nous verrons qu’à la 1ère lecture, Salomé nous apparaît  tout d’abord comme une femme séduisante. Mais, en approfondissant, on s’aperçoit qu’elle est bien plus que cela : c’est aussi  une femme envoutante.



I Tout d'abord, elle apparaît comme une femme séduisante

A.      Et en premier lieu, grâce à sa beauté physique.

Ex 1 : définition d'un mot « admiration » l.2 . Au sens propre : elle suscite l'émerveillement par sa bonté.
Ex 2 : champ lexical du vêtement luxueux : « soie » l. 5 : tissu précieux, cher, qui est d'un bel effet. « Ceintures d'orfèvrerie » l. 6 que l'on imagine en or, incrustée de pierres précieuses. « Calcédoines » l. 4.  C'est une pierre précieuse très en vogue ds l'Antiquité. Elle est gris- bleu, en accord ici avec la couleur de son voile « bleuâtre » l. 3.   Salomé a assorti ses boucles d'oreilles à son voile et son caleçon puisque les « mandragores » peuvent être bleues. Les pantoufles en « duvet de colibri » l. 7-8 sont des pantoufles précieuses car le colibri est petit.
→La tenue de Salomé est riche car les matières sont rares et précieuses. Salomé a dû les choisir avec soin puisque les couleurs sont assorties. Elle voulait être belle pour séduire.
 Ex 3 : connotation sa peau blanche évoquée l. 4 « blancheur de sa peau » est synonyme de beauté à l'époque (19ème siècle)
Ex 4 : la comparaison de Salomé à Psyché, divinité dont Aphrodite même était jalouse, souligne sa beauté exceptionnelle.

B.      D'autre part, par la manière dont elle se met en valeur : elle  intensifie ainsi son pouvoir de séduction

Ex 1: Indice de lieu l. 9 « sur le haut de l'estrade » elle se place en hauteur pour se mettre en avant, pour qu’on ne voie qu'elle.
Ex 2 : Champ lexical de la brillance. Impression qu'elle brille de mille feux  grâce à ses bijoux et ses vêtements : l. 6 « orfèvrerie », l. 24 « brillants de ses oreilles », l. 25 « l’étoffe de son dos chatoyait », l. 25 « de ces vêtements jaillissaient d'invisibles étincelles qui enflammaient ». Dans cette dernière citation, Flaubert condense en une ligne 5 mots renvoyant à la brillance. C'est une manière de l'intensifier encore.
Ex 3 : utilisation de présentatif : l. 9 « c'était Hérodias » la met en valeur. Lorsqu'elle retire son voile, elle fait l'effet d'une apparition. L'apparition est un motif littéraire qui permet de mettre en scène la beauté d'une femme dont on tombe amoureux.


II En outre, Flaubert nous la présente comme surhumaine, surréelle, qui n’appartient pas au  commun des mortels.

A.      C’est tout d’abord en lui donnant un aspect mystérieux que Flaubert contribue à faire d’elle un être hors du commun, étrange.

Ex1 : métaphore : l. 9– 10, elle n'est pas nommée directement mais seulement désignée par sa ressemblance avec sa mère, comme dans le texte évangélique. Flaubert cultive donc le mystère. Les hommes de l'assistance ne savent pas vraiment qui elle est.
Ex  2 : elle apparaît au début « sous un voile bleuâtre lui cachant la poitrine et la tête »l. 3.  Ce voile qui la dissimule est aussi une manière de susciter le désir et la convoitise car ce qui est caché et plus désirable que ce qui est offert ouvertement.

B.      En outre, son aspect surréel apparaît aussi parce qu’elle semble en relation avec les dieux et les démons

·         Avec les dieux
Ex1 : nombreuses comparaisons avec des divinités : l. 13 14 « comme une psyché », ou avec les messagers des divinités : l. 22 « comme les prêtresses des Indes », « comme les nubiennes des cataractes », « comme les bacchantes de Lydie ». Toutes ces prêtresses entraient en  transe comme Salomé ici.
·         Avec les  démons
Ex 2 : comparaison l. 33 avec une sorcière confirmée par la présence de « mandragore » sur ses caleçons l. 6. Les sorcières dans leurs potions et leurs philtres d'amour utilisaient de la mandragore car on prétendait que la mandragore était un aphrodisiaque puissant. Avec cette comparaison, Salomé prend un aspect maléfique. C'est l'annonce du résultat funeste de sa danse, à savoir la tête de Jean-Baptiste. Cet aspect maléfique se confirme…
Ex 3 : la comparaison l. 14 « comme une âme vagabonde » c'est-à-dire un fantôme. D'ailleurs, l. 15, « les sons funèbres » et les « gingras » (qui sont des flûtes utilisées pendant les cérémonies funéraires) annoncent l'aspect funeste de sa danse.


III Enfin, c’est une femme fatale.

A.      En effet, elle utilise sa danse pour arriver à ses fins

 C’est la danse des 7 voiles, danse du ventre orientale et  érotique.
Ex1 : champ lexical des gestes « ondulations » l. 19 « bras arrondis » l. 12, « bas » l. 28, « se tordait la taille » l. 18. Ces gestes rappellent la danse du ventre. Ce sont des mouvements langoureux.
Ex 2 : Ponctuation l. 18 à 20, la juxtaposition des mouvements de Salomé donne l'impression de mouvements chaloupés qui suggèrent la danse du ventre.
 Ex 3 : Définition d'un mot : Salomé dégage une certaine « langueur » l. 17. La langueur est à la fois synonyme de sensualité mais aussi d'amour et de séduction.
Ex 4 : Champ lexical du corps l. 18 « les paupières entre clauses », l. 19 « faisait trembler ses deux seins », l. 27 – 28 « en écartant les jambes », l. 18 « se mourait dans sa caresse ». Salomé mime l'extase amoureuse. D'ailleurs, au XIXe siècle l'expression « la petite mort » signifie la jouissance érotique. D'où l'emploi par Flaubert du verbe « mourir » l. 18
→ Par sa danse, Salomé essaie de séduire. C'est une danse très érotique.
B.      Par ailleurs, par le pouvoir de sa danse, attire tous les hommes dans ses filets.

Ex1 : l'énumération des hommes l. 29- 31 « nomades habitués à l'abstinence, soldats de Rome, avares républicains, vieux prêtres   aigris » reprise l. 30 par le pronom indéfini « tous » souligne la séduction implacable de Salomé.
Ex 2 : la métaphore l. 26 « enflammaient tous les hommes » est une métaphore du désir charnel tout comme l. 31 « palpitaient de convoitise ». Le verbe « palpiter » nous donne le sentiment de voir ces hommes vibrer de désir.
Ex 3 :  le champ lexical du bruit l. 27 « acclamations », l. 33 « sanglots de volupté », l. 35 « la foule hurlait », l. 35- 36 « criait plus fort » transforme le désir des hommes en rut animal (qui s'accompagne souvent de cris )
Ex 4 : L’impératif l. 34- 36 « vient !» répété 4 fois accompagné d'une exclamation est fortement érotique dans la bouche d'Hérode Antipas.
Ex 5 : Hyperbole l. 37 la promesse d’Antipas de lui donner « la moitié de [son] royaume » apparente la danse de Salomé à une conquête. Antipas est un roi vaincu, tout comme ses hommes. Salomé est victorieuse.
Salomé va remporter la guerre que sa mère livre contre Iokanaan.


CCl° :  
Bilan : Dans cet extrait, Flaubert nous offre une image particulièrement forte de Salomé. Elle n’est pas seulement une femme séduisante, elle est aussi et surtout une femme surréelle, à mi-chemin entre la prêtresse et la sorcière qui ensorcelle les hommes. C'est une femme fatale au sens étymologique du terme puisqu'elle provoque, par sa danse,  la mort du Saint.
Ouverture : Le tableau que Gustave Moreau peint en 1874 et qui s’intitule L’Apparition (p. 418) met clairement en évidence le lien direct entre la danse et la mort de J.B. En effet, Salomé tend son  bras vers la tête sanguinolente et auréolée du saint en lévitation. On retrouve dans la Salomé de Moreau la richesse et la brillance du costume de la Salomé de Flaubert. Moreau comme Flaubert insiste sur  l’érotisme du personnage  rendu dans la peinture par la nudité de son corps blanc et langoureux. 

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