TC 2 : Moralités légendaires, Jules Laforgue, 1887. 1ère L
Intro°
Ce texte est un
extrait des Moralités Légendaires
écrites en 1887 par Jules Laforgue. Cet auteur fit un passage éclair dans la
littérature française puisqu’il mourut à 27 ans. Son style souvent ironique et
moqueur dissimule mal son désespoir existentiel et son angoisse artistique. Car
Laforgue avait l’impression qu’il ne pourrait pas faire mieux que ses
prédécesseurs, qu’il considérait comme des génies. C’est ce sentiment
d’infériorité qui prédomine lorsqu’il reprend
le mythe de Salomé et sa célèbre danse que Huysmans et Flaubert ont si
bien décrite avant lui. Laforgue vouait une grande admiration à Flaubert. Mais
conscient de ses limites, il savait qu'il ne pouvait rivaliser avec son
maître : sa Salomé ne pourrait être plus belle, plus séduisante, plus envoûtante
que celle d'Hérodias ; son style ne pourrait atteindre la virtuosité de
celui de Flaubert. Il décide donc de donner une version neuve du mythe, bien
différente de ses prédécesseurs. Au lieu d'admirer Salomé, il s'en moque →parodie
ici le mythe.
·
Il nous dresse
un portrait péjoratif de Salomé
-
En effet, elle n'est plus une beauté sensuelle mais une
jeune fille au physique ingrat
Ex.1 : Enumération
par juxtaposition de sa coiffure soul. le
soin qu'elle a dû y apporter. Pourtant, elle est mal coiffée.
« Saupoudrer de
pollen », « des fleurs jaunes » l. 11 « et des pailles froissées » →, résultat
n'est guère esthétique.
« Mèche plate »
l. 10, « ébouriffés » l. 10, « se défaisaient » l. 10. →Salomé est
décoiffée
→Tel que la décrit
Laforgue, ses cheveux sont alourdis par le pollen qu’elle y a déposé. Ils sont
plats. Et les fleurs jaunes et les pailles froissées sont ridicules.
Ex 2 : Effet
burlesque : l. 16 « l'accent circonflexe rose pâle » que forment
ses lèvres indique que Salomé s’est dessinée les lèvres : élégance. Mais
il contrebalance l’aspect élégant de ce geste en lui donnant un côté banal et
trivial en les qualifiant « d’accent
circonflexe ».
Ex.3 : Même effet
burlesque avec la référence à ses dents et ses gencives que son sourire
laisse apparaître : « une denture aux gencives d’un rose plus pâle encore » est
un détail peu élégant. Cela lui donne un aspect un peu bestial.(cheval, vache)
Ex 4 :
La mention l. 8 et 28 de ces « orteils écartés » dans un aspect disgracieux à
ses pieds.→ pieds palmés d’un canard.
-
En outre, sa
tenue devient un accoutrement ridicule.
Ex.1 : Effet
burlesque l. 12. « La nacre »
choisie comme matière de son bustier est une matière précieuse et de bel
aspect. Mais élégance anéantie par la « roue de paon nain » qui y est fichée et
qui entoure sa tête. Cette roue de paon nain
rend la brassière ridicule. Et les couleurs « moire, azur, or, émeraude »
n'ont rien d’élégant mais crée au contraire une dysharmonie chromatique, une
cacophonie visuelle.
Ex. 2 : elle semble
engoncée, trop serrée dans sa robe comme
le suggère l.4
« Raide dans son fourreau », et l. 18 «
hermétiquement emmousselinée ».
Néologisme :
«emmousselinée ». Le préfixe «em » rend bien l'idée qu'elle est entortillée
dans sa robe.
Ressemble à une
larve.
→Ainsi
accoutré, on comprend qu'elle ne crée pas un très grand effet lorsqu'elle
rentre en scène.
·
Laforgue se moque aussi des textes qui ont forgé le
mythe
-
D'une part, il
parodie des références religieuses du texte source : l’Evangile
Ex. : Laforgue parodie la crucifixion du Christ.
Salomé a « un sourire des plus crucifiées » l. 17. « Ses pieds exsangues » l. 8
et 28 renvoient également à cette crucifixion. Salomé devient une sorte de
Christ ressuscité, dansant devant des spectateurs. La figure du Christ est ici traitée
de manière burlesque. Le texte devient blasphématoire.
On peut s'étonner que Salomé ressemble
au Christ et non à Jean-Baptiste puisque c'est bien la tête de Jean-Baptiste
qu'elle demande et non celle du Christ. Toutefois il ne s'agit sans doute pas
d'une confusion. Rappelons que Jean-Baptiste est souvent désigné dans les
Évangiles comme le précurseur de Jésus, celui qui a annoncé sa venue.
CCl° :
Laforgue a ouvert la voie à d'autres conceptions possibles
de Salomé, conceptions qui s'éloignent de plus en plus du texte source des
Évangiles. Ainsi Apollinaire dans son poème intitulé « Salomé » s'écarte lui
aussi de l'image traditionnelle de la jeune femme que l’on a l’habitude de
présenter comme une beauté sensuelle inconsciente de ses actes. Le poète ne se
moque pas d'elle comme le faisait Laforgue mais il fait d'elle une jeune femme
amoureuse de Jean-Baptiste qui regrette d'avoir obtenu sa mort.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire