L .A 4 : Acte II, tableau 9, p. 113 "Le Presbytérien : Il
y a longtemps déjà que Wesley..." jusqu'à la fin du tableau.
Situation de l’extrait : devant la difficulté
de dire si les tropis sont des hommes ou pas, le Président du jury demande à
Justice Draper de les voir pour se faire une idée car, comme il le dit p 106 : « on a fait ici que parler
d’eux […] Mais nous n’avons pas vu encore le bout de la queue d’un seul. Le
Muséum les cache soigneusement. A peine si les journaux ont pu en publier
quelques mauvaises photos ». Les
jurés se rendent donc au Muséum, et regardent
les tropis. Pour certains (Présbytérien/ Moustachu) ce sont des hommes,
pour d’autres ( La Dame) , ce sont des animaux. Une querelle s’ébauche lorsque
le Président du Jury demande à Justice Draper de rappeler la définition de
l’humanité. Celui-ci précise qu’ « une telle définition n’existe
pas ». Les jurés se remettent à se disputer mais cette fois sur la définition de l’humanité.
PBQ : Pourquoi peut-on
dire que dans cet extrait la tentative de définition de l'humanité se solde par
un échec ?
I Tout d'abord toutes les définitions proposées sont
contestables
A. En effet, elles reposent sur des clichés, des lieux communs
faciles et injustifiables
… Et les
personnages ont bien du mal à prouver leur définition…
1.
La raison = faculté propre à l'homme par laquelle il peut
distinguer le vrai et le faux/le bien et le mal. Elle s'oppose à l'instinct,
plus animal. Depuis le XVIIIe siècle : utiliser sa raison, c'est ne pas se
fonder sur des croyances mais sur l'observation et les preuves.
Le Moustachu présente sa définition comme indiscutable :
Ex 1 : La majuscule veut la faire apparaître comme LA bonne
définition. Énoncée dans une phrase
courte et lapidaire, elle apparaît comme une évidence.
Mais le
Moustachu montre lui-même les limites de sa définition par l'incapacité dans
laquelle il est de se justifier:
Ex 2 : l’antithèse + La répétition l. 137- 138 « Bonne
ou mauvaise, la raison c'est la raison
». montre que sa justification tourne en rond et ne s’appuie sur aucune preuve,
ce qui est un comble (ironique : la raison manque de preuves, de raisons). Définition non valide.
2.
Bien
évidemment la raison s'oppose à la
religion comme c'est souvent le cas. Opposition classique
Pour le Presbytérien « L'homme, c'est la foi en Dieu » l. 180.
Présente sa définition comme indiscutable :
Ex 3 : argument
d’autorité : S’appuie sur un prédicateur, Wesley.
Mais, sa
définition a des limites : n’est valable que pour les croyants et encore, les
anglicans. En outre, Wesley était contesté par l’Église.
Ex 4 : répétition d'une idée : Reprend la distinction
clichée animal / homme par 2 fois l.129 et 132-133. Mais, se contente de répéter et ne justifie pas. Confond les
2. Tactique argumentative quand on est à court de justification. (disque brisé)
3. La dame propose un autre cliché teinté de misanthropie : « les
animaux sont bons et les hommes sont méchants
» l. 167- 168.
Présente
sa définition comme indiscutable :
Ex 5 : « Voilà » qui présente la certitude comme une
évidence et ne veut pas être discuté.
Mais, sa définition a des limites
ex 6 : Le
parallélisme et l’antithèse
soulignent la simplicité de son raisonnement qui n'est d'ailleurs ni justifié
ni développé.
B.
D'autre part,
certaines définitions sont improbables, saugrenues, étonnantes.
1.
Pour le colonel l'homme se définirait
par sa « perversion sexuelle » l.151 entendre par là sa possibilité d'être
homosexuel comme cela est évoqué l. 160 « la pédérastie ».
Présente
sa définition comme indiscutable :
Ex
1 : Il étaye,
sa thèse avec une question rhétorique
« mainte société brillante ne fut-elle pas fondée sur la
pédérastie ? » qui est censée prouver son argument.
Mais sa
définition a des limites
Ex 2 :
il crée
ainsi un amalgame entre l'homosexualité et l'intelligence d’une société. Cet
amalgame crée la confusion comme le souligne la question du Moustachu qui n'a pas compris comme le lecteur -
spectateur d'ailleurs.
2.
Autre
définition de l'humanité : l'homme
c'est l'Histoire. l.190-193.
Présente
sa définition comme logique par
Ex 3 : le chiasme l.
194-195 vient renforcer l’aspect logique de son propos.
Mais sa
définition a des limites
Les
différents mots repris dans l'énumération ne définissent pas l’homme et
l’énumération, trop rapide, n’explique
pas comment on arrive à l’idée que ce qui fait l’humanité est l’Histoire. Et le
chiasme est obscur. Il est contredit par
le gentleman qui oppose un argument de
bon sens marqué par le connecteur
« d’où » l. 196-197 (Ex 6)
3.
Dernière
définition proposée : l’art.
Présente sa définition comme indiscutable :
Ex 4 : Le gentleman utilise un vocabulaire métaphorique pour
impressionner les autres membres du jury.
« L'Histoire est un tombeau. L'Homme c'est- l'art. Le reste est
silence. » Les trois phrases courtes se veulent marquantes et
n'appellent pas de contestation.
Mais il est aussitôt contredit par le Moustachu qui, une fois
de plus revient avec sa logique raisonnable l. 205-206 et l. 209 208. En usant
d’un parallélisme (Ex 5) il reprend la justification du gentleman et montre
que sa définition n'est pas valide, que son raisonnement est stérile. Il
souligne en même temps que l'on tourne en rond.
II En outre la définition de l'humanité n'aboutit pas parce
que les personnages ne réfléchissent
pas : ils restent subjectifs
A. D’une part, on voit qu’ils ne veulent pas construire quelque
chose ensemble mais imposer leur point de vue.
1.
C'est une
lutte de conviction et de valeurs personnelles.
Ex 1 : Chacun essaie
de donner la définition en utilisant la formule emphatique : « c'est »
l. 130/ 132/ 167/ 194/ 203 qui leur permet de mettre en valeur leur idée et
d'affirmer qu'ils ont raison.
2.
Ils
s’opposent par une suite de réfutations.
Ex 2 : verbes subjectifs forts
qui montrent leur entêtement et leur impossibilité d'accepter le point de vue
d'autrui: « je n'en démords pas » l. 175 et 180, « je proteste » l. 136, « je ne sors pas de là » l. 138, « Je me
récuserais immédiatement. » l. 141.
Ex 3: Le Moustachu lui retourne aussitôt l'argument grâce à un parallélisme
de construction dans lequel il substitue à l'adjectif « raisonnable » les
deux adjectifs « chrétien et charitable » l. 178 -179. Aux guerres qui ne sont
ni une preuve d'intelligence, ni une preuve de philanthropie, le Moustachu propose l'intolérance
religieuse dont ont fait preuves les chrétiens tout au long de l'Histoire avec
« brûler les gens sur des bûchers ».
Ex 4 : enchaînement par antithèses entre 2 modes de
pensées : l'une spirituelle/ abstraite, l'autre matérielle/ concrète.
De la l. 181 à 188 la définition de l'homme devient quelque
peu hasardeuse et incohérente.
De la définition de
l'homme comme être raisonnable ou être croyant, on passe à l'humanité : « outil
», « âme », « travail »,
« ascèse », « social »…. On ne
voit pas le lien entre ces évolutions de définition. Elles s'enchaînent par une logique d'opposition entre le
Presbytérien et le Moustachu et non pas une véritable logique. À la foi, notion
abstraite, le Moustachu oppose l'outil, quelque chose de concret et qu'il
connaît bien puisqu'il est éleveur. Aussitôt le Presbytérien oppose l'âme,
également abstraite. A laquelle, le
Moustachu oppose le travail, concret. Le Presbytérien oppose au travail
concret, l’ascèse, exercices spirituels personnels. Le Moustachu oppose
« le social » à quoi le
Presbytérien oppose « la méditation », réflexion solitaire. Pour le Moustachu, l'homme se définit par son
pragmatisme et sa vie en société. Pour le Presbytérien l'homme se définit par
la prière et le repli sur soi. Opposition
comique.
⇒La volonté d'avoir raison prend le pas sur la vérité.
B. De plus, ils sont
agressifs.
Ex 1 : Ils se coupent souvent la parole : l. 129- 130 :
points de suspension + didascalie
« (l’interrompant)», + l.135-152. Aux l. 135-136 on ne laisse pas
poursuivre la dame ( renvoie à une certaine misogynie qui consiste à considérer
que les femmes sont inférieures et inintelligentes)
Ex 2 : Ils haussent
la voix ou le ton comme l'indiquent les didascalies : l. 131
« (fort) », l. 176 « (agressif) », l. 180 « (crescendo ») et l. 182 «
(même jeu) », l. 207 « (agacé) »
Ex 3 : les nombres exclamations
qu'ils emploient montre leur énervement l. 143,157 158 166 176 184 à 189.
Ex 4 : Ils utilisent un vocabulaire
dépréciatif pour parler de l’avis de l'autre l. 143 « damnées bondieuseries
» l. 182 « connerie de sacristie », l. 158 « pervers », péché », l. 166 «
dégoutants », l. 174 « stupidité ».
Ex 5 : Gestes : lorsqu'ils
sont pris de court le Moustachu et le Presbytérien menacent de partir 141-142l
et même de se battre l.189 « ils sont très en venir aux mains ».
Ouverture de ccl° : Une fois encore on se
retrouve dans l’impasse. Le lecteur-spectateur commence à s’inquiéter. Va-t-on
enfin arriver à une définition de l’humanité qui permettrait de classer
définitivement les tropis ou la pièce va-t-elle se clore sur un statuquo, dans
la confusion et l’agressivité comme pourrait le laisser penser l’échange
absurde entre Le Mustachu et Le presbytérien dans cet extrait ? On a un peu peur en effet que le rideau ne
tombe sur une dispute générale du même type que celle qui clôt La Cantatrice chauve, où les personnages
hurlent les uns aux oreilles de autres des propos incohérents.
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