L.A 1 : Hérodias, Flaubert, 1877
Intro°
Flaubert, écrivain réaliste, rédige
« Hérodias » = Hérodiade en 1876 en vue de la publication dans le
recueil de nouvelles Trois Contes.
·
L’idée de conter ce célèbre épisode
biblique vient sans doute de l’observation d’un haut-relief sur le tympan de la
cathédrale de Rouen, représentant le banquet d’Hérode où Salomé se livre à une
danse acrobatique et de l’admiration pour les tableaux de Gustave
Moreau.
·
Le passage étudié se situe à la fin de
la nouvelle lors du banquet offert par Hérode. Il est attiré dans l’œuvre de
Flaubert par les jeunes filles qu’il voit du haut de sa citadelle, sur les
toits des maisons mais plus par sa femme qui a vieilli. Ce banquet est annoncé
dès l’incipit et le lecteur – qui connaît la légende biblique – est dans
l’attente de la célèbre danse.
I Tout d'abord, elle apparaît comme une femme séduisante
A.
Et en premier lieu, grâce à sa beauté physique.
Ex 1 : définition d'un
mot « admiration » l.2 . Au sens propre : elle suscite l'émerveillement par
sa bonté.
Ex 2 : champ lexical
du vêtement luxueux : « soie » l. 5 : tissu précieux, cher, qui est d'un bel
effet. « Ceintures d'orfèvrerie » l. 6 que l'on imagine en or, incrustée
de pierres précieuses. « Calcédoines » l. 4. C'est une pierre précieuse très en vogue ds
l'Antiquité. Elle est gris- bleu, en accord ici avec la couleur de son voile «
bleuâtre » l. 3. Salomé a assorti
ses boucles d'oreilles à son voile et son caleçon puisque les « mandragores »
peuvent être bleues. Les pantoufles en « duvet de colibri » l. 7-8 sont des
pantoufles précieuses car le colibri est petit.
→La tenue de
Salomé est riche car les matières sont rares et précieuses. Salomé a dû les
choisir avec soin puisque les couleurs sont assorties. Elle voulait être belle
pour séduire.
Ex 3
: connotation sa peau blanche
évoquée l. 4 « blancheur de sa peau » est synonyme de beauté à l'époque (19ème
siècle)
Ex 4 : la comparaison de Salomé à Psyché, divinité dont
Aphrodite même était jalouse, souligne sa beauté exceptionnelle.
B.
D'autre part, par la manière dont elle se met en valeur :
elle intensifie ainsi son pouvoir de
séduction
Ex 1: Indice de lieu
l. 9 « sur le haut de l'estrade » elle se place en hauteur pour se mettre en
avant, pour qu’on ne voie qu'elle.
Ex 2 : Champ lexical
de la brillance. Impression qu'elle brille de mille feux grâce à ses bijoux et ses vêtements : l. 6 «
orfèvrerie », l. 24 « brillants de ses oreilles », l. 25 « l’étoffe de son dos
chatoyait », l. 25 « de ces vêtements jaillissaient d'invisibles étincelles
qui enflammaient ». Dans cette dernière citation, Flaubert condense en une
ligne 5 mots renvoyant à la brillance. C'est une manière de l'intensifier
encore.
Ex 3 : utilisation de présentatif : l. 9 «
c'était Hérodias » la met en valeur. Lorsqu'elle retire son voile, elle fait
l'effet d'une apparition. L'apparition est un motif littéraire qui permet de
mettre en scène la beauté d'une femme dont on tombe amoureux.
II En outre, Flaubert nous la présente comme surhumaine,
surréelle, qui n’appartient pas au
commun des mortels.
A.
C’est tout d’abord en lui donnant un aspect mystérieux que
Flaubert contribue à faire d’elle un être hors du commun, étrange.
Ex1 : métaphore : l. 9– 10, elle n'est pas nommée
directement mais seulement désignée par sa ressemblance avec sa mère, comme
dans le texte évangélique. Flaubert cultive donc le mystère. Les hommes de
l'assistance ne savent pas vraiment qui elle est.
Ex 2 : elle
apparaît au début « sous un voile bleuâtre lui cachant la poitrine et la tête
»l. 3. Ce voile qui la dissimule est
aussi une manière de susciter le désir et la convoitise car ce qui est caché et
plus désirable que ce qui est offert ouvertement.
B.
En outre, son aspect surréel apparaît aussi parce qu’elle
semble en relation avec les dieux et les démons
·
Avec les dieux
Ex1 : nombreuses
comparaisons avec des divinités : l. 13 14 « comme une psyché », ou avec
les messagers des divinités : l. 22 « comme les prêtresses des Indes
», « comme les nubiennes des cataractes », « comme les bacchantes de Lydie ». Toutes
ces prêtresses entraient en transe comme
Salomé ici.
·
Avec les démons
Ex 2 : comparaison
l. 33 avec une sorcière confirmée par la présence de « mandragore » sur ses
caleçons l. 6. Les sorcières dans leurs potions et leurs philtres d'amour
utilisaient de la mandragore car on prétendait que la mandragore était un
aphrodisiaque puissant. Avec cette comparaison, Salomé prend un aspect
maléfique. C'est l'annonce du résultat funeste de sa danse, à savoir la tête de
Jean-Baptiste. Cet aspect maléfique se confirme…
Ex 3 : la
comparaison l. 14 « comme une âme vagabonde » c'est-à-dire un fantôme.
D'ailleurs, l. 15, « les sons funèbres » et les « gingras » (qui sont des
flûtes utilisées pendant les cérémonies funéraires) annoncent l'aspect funeste
de sa danse.
III Enfin, c’est une femme fatale.
A.
En effet, elle utilise sa danse pour arriver à ses fins
C’est la danse des 7 voiles, danse du ventre
orientale et érotique.
Ex1 : champ lexical
des gestes « ondulations » l. 19 « bras arrondis » l. 12, « bas » l. 28, «
se tordait la taille » l. 18. Ces gestes rappellent la danse du ventre. Ce sont
des mouvements langoureux.
Ex 2 : Ponctuation
l. 18 à 20, la juxtaposition des mouvements de Salomé donne l'impression de
mouvements chaloupés qui suggèrent la danse du ventre.
Ex 3 :
Définition d'un mot : Salomé
dégage une certaine « langueur » l. 17. La langueur est à la fois synonyme
de sensualité mais aussi d'amour et de séduction.
Ex 4 : Champ lexical
du corps l. 18 « les paupières entre clauses », l. 19 « faisait trembler ses
deux seins », l. 27 – 28 « en écartant les jambes », l. 18 « se mourait dans sa
caresse ». Salomé mime l'extase amoureuse. D'ailleurs, au XIXe siècle
l'expression « la petite mort » signifie la jouissance érotique. D'où l'emploi par
Flaubert du verbe « mourir » l. 18
→ Par sa danse, Salomé
essaie de séduire. C'est une danse très érotique.
B.
Par ailleurs, par le pouvoir de sa danse, attire tous les
hommes dans ses filets.
Ex1 : l'énumération des hommes l. 29- 31 « nomades
habitués à l'abstinence, soldats de Rome, avares républicains, vieux prêtres aigris
» reprise l. 30 par le pronom indéfini « tous » souligne la séduction
implacable de Salomé.
Ex 2 : la métaphore l. 26 « enflammaient tous
les hommes » est une métaphore du désir charnel tout comme l. 31 « palpitaient
de convoitise ». Le verbe « palpiter » nous donne le sentiment de
voir ces hommes vibrer de désir.
Ex 3 : le champ
lexical du bruit l. 27 « acclamations », l. 33 « sanglots de
volupté », l. 35 « la foule hurlait », l. 35- 36 « criait plus fort »
transforme le désir des hommes en rut animal (qui s'accompagne souvent de cris
)
Ex 4 : L’impératif l. 34- 36 « vient !»
répété 4 fois accompagné d'une exclamation est fortement érotique dans la
bouche d'Hérode Antipas.
Ex 5 : Hyperbole l. 37 la promesse d’Antipas de lui
donner « la moitié de [son] royaume » apparente la danse de Salomé à une
conquête. Antipas est un roi vaincu, tout comme ses hommes. Salomé est
victorieuse.
⇒Salomé va remporter la guerre que sa mère livre contre
Iokanaan.
CCl° :
Bilan : Dans
cet extrait, Flaubert nous offre une image particulièrement forte de Salomé.
Elle n’est pas seulement une femme séduisante, elle est aussi et surtout une
femme surréelle, à mi-chemin entre la prêtresse et la sorcière qui ensorcelle
les hommes. C'est une femme fatale au sens étymologique du terme puisqu'elle
provoque, par sa danse, la mort du
Saint.
Ouverture : Le
tableau que Gustave Moreau peint en 1874 et qui s’intitule L’Apparition (p. 418) met clairement en évidence le lien direct
entre la danse et la mort de J.B. En effet, Salomé tend son bras vers la tête sanguinolente et auréolée du
saint en lévitation. On retrouve dans la Salomé de Moreau la richesse et la
brillance du costume de la Salomé de Flaubert. Moreau comme Flaubert insiste
sur l’érotisme du personnage rendu dans la peinture par la nudité de son
corps blanc et langoureux.
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