L.A n°3
« Il étouffe » … « ça le freine » p. 75 à 77
Situation de l'extrait :
Dans
les pages précédentes, le roi a appris du médecin et de Marguerite, sa première
épouse, qu’il allait mourir « dans 1h30 » c'est-à-dire « à la fin du spectacle
». Mais il refuse d'accepter sa mort. Face à ce déni, Marguerite est agacée.
Froide et autoritaire, elle voudrait que tout se passe vite et bien
c’est-à-dire dignement. Marie, la seconde épouse, est quant à elle choquée.
Elle ne veut pas que le roi meure. Elle l’aime tendrement. Mais, voyant qu’elle
ne peut lutter contre l’inévitable, elle se range aux côtés du médecin et de
Marguerite pour essayer de l'amener à
accepter de mourir.
PBQ : Comment
Ionesco nous présente-t-il la mort dans ce passage ?
I Tout d'abord, il
nous présente la mort comme quelque chose de négatif, que l'on repousse, que
l'on refuse. C'est l'attitude traditionnelle. C'est l'attitude du roi.
A. D’une part, la mort nous est
présentée comme négative parce qu'elle apparaît comme une déchéance physique.
C'est pour cette raison que le roi la rejette.
Ex1 : nombreux
symboles de la mort :
l. 2 « il étouffe » =
perte de la respiration. Or c'est une des fonctions premières de la vie, qui
permet le fonctionnement des organes
L. 34 « mes pieds
commencent à refroidir » = froid de la mort.
L. 37 « que je vois, que je vois, que je vois » : la répétition du subjonctif présent
indique que le roi est en train de perdre la vue. C'est le début de la
dégénérescence.
L. 50-51 « il ne vous a pas comprise, il ne peut plus,
pauvre cerveau. »= Dysfonctionnement des fonctions cérébrales, perte des
facultés.
→On assiste à la déchéance physique du Roi.
Ex 2 : l.11 le conditionnel dans
la bouche de Juliette montre l’incapacité du roi à faire ce cheminement
interne.
Ex 3 : l.21 à 25
répétitions du
verbe « comprendre » à la forme négative confirme cette incapacité →
déchéance intellectuelle
B. D'autre part, la mort nous est
présentée comme angoissante
Elle fait peur et provoque le désarroi/le désespoir de
Béranger.
Ex1 : l.4 : métaphore de la peur « la peur lui débouche
l’horizon ». La peur devient matière, elle est palpable, ce qu'il intensifie.
Souligne l'angoisse du Roi.
Ex 2 : l.28 l'interrogation du roi « comment m’y
prendre » montre son désespoir, son désarroi.
Ex 3 : l. 30-31 la répétition 3 fois du verbe « aider »
insiste sur l'idée que le roi est aux abois, qu'il cherche en vain une issue de
secours. Se confirme avec son exclamation « au secours ! » l. 46 qui
montre son sentiment d'impuissance. Il cherche
vainement une échappatoire et est
impuissant face à son malheur
Ex 4 : l. 31- 32 - 38-39 10 impératifs adressés au soleil. Il s'agit
d'une invocation (demande insistante faite en général à une divinité). Le
soleil, répété 7 x = symbole pour le
roi de son pouvoir et de sa vie. Il semble prendre ici les allures d'un Dieu.
L'emploi du mot « soleil » utilisé par doublon l. 32, 37,38
renforce l'invocation.
→Donne un côté pathétique à la
lutte du roi contre la mort.
II Mais, il nous
présente aussi la mort comme un état acceptable.
A. En effet, Ionesco, à travers
Marie, présente la mort comme une nouvelle vie, dans la joie et la lumière.
Ex 1 : Champ lexical de la lumière + polyptote + métaphore : lumière l. 6-8, ébloui l. 7, éblouissement l. 7
(polyptote), la joie t'éclairait l. 14- 15, resplendissante aurore l. 17
Ce champ lexical fait référence,
pour Marie, à la mort. Il s'agit de l'image traditionnelle d'une lumière
blanche vers laquelle on se rapproche lorsque l'on est en train de mourir.
La polyptote soul. l'intensité de cette lumière.
La métaphore « la joie t'éclairait » l. 14- 15 montre que Marie veut assimiler
cette lumière au bonheur pour que le roi comprenne que la mort n'est pas forcément
effrayante mais que la mort peut aussi être lumière et joie.
Pour
écrire cette pièce Ionesco s'est inspiré du livre tibétain des morts le Bardo
Thödol dans lequel il est écrit : « Maintenant que ta respiration a presque
cessé, voici pour toi le moment de chercher une voie car la lumière
fondamentale qui apparaît lors du premier état intermédiaire va poindre ». Cet
état intermédiaire dont parle le livre est un des états qui permet aux mourants d'accéder à la mort.
Marie veut donc guider le roi vers une certaine sagesse pour qu'il accepte de
mourir. Il s'agit d'une sagesse orientale
Ex 2 : l.6 l'impératif « laisse-toi » permet à Marie d'inciter le Roi a accepté sa
mort.
Ex 3 : l.8 les 2
comparaisons « comme un flot, comme un fleuve de lumière éclatante » ainsi que
la métaphore contenue dans la comparaison « fleuve de lumière » permet de
fusionner la lumière et l'eau. Ce sont deux éléments symboliques de la vie. Eau
= liquide amniotique dans lequel baigne
le bébé. La lumière = ce qu'on voit
lorsque l'on nait. Cette fusion des deux éléments de la vie qui « pénètre les
chairs et les os » permet à Marie
de montrer au roi que la mort n'est pas une fin, mais une renaissance. On
retrouve encore ici l'eschatologie orientale de la réincarnation.
Eschatologie : ensemble des
croyances et doctrines portant sur le sort ultime de l'homme
Ex 4 :
l.13 impératif « souviens-toi »
Marie tente de faire accepter la mort au roi en rattachant cette mort à des
souvenirs heureux. Pour cela elle assimile la lumière et la joie à ces souvenirs.
MAIS
Pour le roi, le soleil n'est pas cette lumière
qui nous attend au moment de mourir, mais le symbole de la vie. Il l'oppose
d'ailleurs aux symboles de la mort l. le 31 « chasse les ombres, empêche la
nuit », l. 32 « éclaire toutes les tombes, entre dans tous les coins sombres et
les trous », l. 33 34 « pénètre en moi, ». Il veut retrouver la lumière de la vie, la vie.
C'est la même chose lorsqu'il emploie l. 35 le subjonctif présent « que tu
entres dans mon corps, sous ma peau, dans mes yeux. Rallume leur lumière
défaillante, que je voie ».
→Il y a donc une incompréhension
entre Marie et le roi que le médecin soul. à la l. 48 « ce n'est pas de cette
lumière que vous parliez ». Pour le roi, la lumière = vie alors que pour Marie, la lumière = la mort.
B.
En outre, Ionesco rend la mort acceptable par la dédramatisant
grâce un comique grotesque.
Ex 1 : l. 38 utilisation de tournures infantiles « petit soleil, bon soleil »
qui lui ôtent t toute dignité et le rendre grotesque ( qui suscite le rire par
son extravagance ou son ridicule )
Ex 2: l. 39- 40 antithèses + hyperboles « dessèche et tue le monde
entier s'il faut un petit sacrifice (opposition entre le monde entier et petit
sacrifice) + « que tous meurent pourvu
que je vive éternellement » (opposition entre tous meurent et je vive)
→ L’égoïsme monstrueux de
Bérenger, sa cruauté, sa folie
→ L'énormité de ses propos les
rend grotesques. Sa résistance et grotesque.
Ex 3: l. 55- 56 hyperbole « même avec une rage de dents pendant des siècles et des
siècles » →renforcent le côté grotesque de B. qui perd la tête.
Ex 4: l. 61 jeux de mots de Marguerite et mise en abyme
« il n’y a que sa tirade qui n'en finit plus. » Pour Marguerite
« finir » = arrêter de parler alors que pour le roi
« finir » = mourir.
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