vendredi 6 avril 2018

L.A n°3 « Il étouffe » … « ça le freine » p. 75 à 77


L.A n°3  « Il étouffe » … « ça le freine » p. 75 à 77

Situation de l'extrait :
Dans les pages précédentes, le roi a appris du médecin et de Marguerite, sa première épouse, qu’il allait mourir « dans 1h30 » c'est-à-dire « à la fin du spectacle ». Mais il refuse d'accepter sa mort. Face à ce déni, Marguerite est agacée. Froide et autoritaire, elle voudrait que tout se passe vite et bien c’est-à-dire dignement. Marie, la seconde épouse, est quant à elle choquée. Elle ne veut pas que le roi meure. Elle l’aime tendrement. Mais, voyant qu’elle ne peut lutter contre l’inévitable, elle se range aux côtés du médecin et de Marguerite pour essayer  de l'amener à accepter de mourir.


PBQ : Comment Ionesco nous présente-t-il la mort dans ce passage ?


I Tout d'abord, il nous présente la mort comme quelque chose de négatif, que l'on repousse, que l'on refuse. C'est l'attitude traditionnelle. C'est l'attitude du roi.

A.       D’une part, la mort nous est présentée comme négative parce qu'elle apparaît comme une déchéance physique.
C'est pour cette raison que le roi la rejette.

Ex1 : nombreux symboles de la mort :
 l. 2 « il étouffe » = perte de la respiration. Or c'est une des fonctions premières de la vie, qui permet le fonctionnement des organes
L.  34 « mes pieds commencent à refroidir » = froid de la mort.
L. 37 « que je vois, que je vois, que je vois » : la répétition du subjonctif présent indique que le roi est en train de perdre la vue. C'est le début de la dégénérescence.
L. 50-51 « il ne vous a pas comprise, il ne peut plus, pauvre cerveau. »= Dysfonctionnement des fonctions cérébrales, perte des facultés.
→On assiste à la déchéance physique du Roi.

Ex 2 : l.11 le conditionnel dans la bouche de Juliette montre l’incapacité du roi à faire ce cheminement interne.

Ex 3 : l.21 à 25 répétitions du verbe « comprendre » à la forme négative confirme cette incapacité → déchéance intellectuelle


B.      D'autre part, la mort nous est présentée comme angoissante
Elle fait peur et provoque le désarroi/le désespoir de Béranger.


Ex1 : l.4 : métaphore de la peur « la peur lui débouche l’horizon ». La peur devient matière, elle est palpable, ce qu'il intensifie. Souligne l'angoisse du Roi.

Ex 2 : l.28 l'interrogation du roi  « comment m’y prendre » montre son désespoir, son désarroi.

Ex 3 : l. 30-31 la répétition 3 fois du verbe « aider » insiste sur l'idée que le roi est aux abois, qu'il cherche en vain une issue de secours. Se confirme avec son exclamation « au secours ! » l. 46 qui montre  son sentiment d'impuissance. Il cherche vainement une échappatoire et  est impuissant face à son malheur

Ex 4 : l. 31- 32 - 38-39 10 impératifs adressés au soleil. Il s'agit d'une invocation (demande insistante faite en général à une divinité). Le soleil, répété 7 x = symbole pour le roi de son pouvoir et de sa vie. Il semble prendre ici les allures d'un Dieu. L'emploi du mot  « soleil » utilisé par doublon l. 32, 37,38 renforce l'invocation.
→Donne un côté pathétique à la lutte du roi contre la mort.


II Mais, il nous présente aussi la mort comme un état acceptable.

A.      En effet, Ionesco, à travers Marie, présente la mort comme une nouvelle vie, dans la joie et la lumière.

Ex 1 : Champ lexical de la lumière + polyptote +  métaphore : lumière l. 6-8, ébloui l. 7, éblouissement l. 7 (polyptote), la joie t'éclairait l. 14- 15, resplendissante aurore l. 17
Ce champ lexical fait référence, pour Marie, à la mort. Il s'agit de l'image traditionnelle d'une lumière blanche vers laquelle on se rapproche lorsque l'on est en train de mourir.
La polyptote soul. l'intensité de cette lumière.
La métaphore « la joie t'éclairait » l. 14- 15 montre que Marie veut assimiler cette lumière au bonheur pour que le roi comprenne que la mort n'est pas forcément effrayante mais que la mort peut aussi être lumière et joie.
Pour écrire cette pièce Ionesco s'est inspiré du livre tibétain des morts le Bardo Thödol dans lequel il est écrit : « Maintenant que ta respiration a presque cessé, voici pour toi le moment de chercher une voie car la lumière fondamentale qui apparaît lors du premier état intermédiaire va poindre ». Cet état intermédiaire dont parle le livre est un des états qui  permet aux mourants d'accéder à la mort. Marie veut donc guider le roi vers une certaine sagesse pour qu'il accepte de mourir. Il s'agit d'une sagesse orientale

Ex 2 : l.6 l'impératif « laisse-toi » permet à Marie d'inciter le Roi a accepté sa mort.

Ex 3 : l.8 les 2  comparaisons « comme un flot, comme un fleuve de lumière éclatante » ainsi que la métaphore contenue dans la comparaison « fleuve de lumière » permet de fusionner la lumière et l'eau. Ce sont deux éléments symboliques de la vie. Eau =  liquide amniotique dans lequel baigne le bébé. La lumière =  ce qu'on voit lorsque l'on nait. Cette fusion des deux éléments de la vie qui « pénètre les chairs et les os »  permet à Marie de montrer au roi que la mort n'est pas une fin, mais une renaissance. On retrouve encore ici l'eschatologie orientale de la réincarnation.
Eschatologie : ensemble des croyances et doctrines portant sur le sort ultime de l'homme

Ex 4 : l.13 impératif  « souviens-toi » Marie tente de faire accepter la mort au roi en rattachant cette mort à des souvenirs heureux. Pour cela elle assimile la lumière et la joie  à ces souvenirs.


MAIS
 Pour le roi, le soleil n'est pas cette lumière qui nous attend au moment de mourir, mais le symbole de la vie. Il l'oppose d'ailleurs aux symboles de la mort l. le 31 « chasse les ombres, empêche la nuit », l. 32 « éclaire toutes les tombes, entre dans tous les coins sombres et les trous », l. 33 34 « pénètre en moi, ». Il  veut retrouver la lumière de la vie, la vie. C'est la même chose lorsqu'il emploie l. 35 le subjonctif présent « que tu entres dans mon corps, sous ma peau, dans mes yeux. Rallume leur lumière défaillante, que je voie ».
→Il y a donc une incompréhension entre Marie et le roi que le médecin soul. à la l. 48 « ce n'est pas de cette lumière que vous parliez ». Pour le roi, la lumière =  vie alors que pour Marie,  la lumière = la mort.


B.      En outre, Ionesco rend la mort acceptable par la dédramatisant grâce un comique grotesque.

Ex 1 : l. 38 utilisation de tournures infantiles « petit soleil, bon soleil » qui lui ôtent t toute dignité et le rendre grotesque ( qui suscite le rire par son extravagance ou son ridicule )

Ex 2: l. 39- 40 antithèses + hyperboles « dessèche et tue le monde entier s'il faut un petit sacrifice (opposition entre le monde entier et petit sacrifice) +  « que tous meurent pourvu que je vive éternellement » (opposition entre tous meurent et je vive)
→ L’égoïsme monstrueux de Bérenger, sa cruauté, sa folie
→ L'énormité de ses propos les rend grotesques. Sa résistance et grotesque.

Ex 3: l. 55- 56 hyperbole « même avec une rage de dents pendant des siècles et des siècles » →renforcent le côté grotesque de B. qui perd la tête.


Ex 4: l. 61 jeux de mots de Marguerite et mise en abyme « il n’y a que sa tirade qui n'en finit plus. » Pour Marguerite « finir » = arrêter de parler alors que pour le roi « finir » = mourir.



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