L.A 2: A Rebours,
Huysmans p. 418- 416
Intro °:
1.
Ce texte est un extrait d’A
rebours, écrit par Joris -Karl Huysmans en 1884. D’abord romancier
naturaliste et admirateur de Zola, il rompt avec ce mouvement littéraire pour
se tourner vers l’esprit décadent dont A rebours est représentatif. En effet,
le titre signifie que le roman se place « à rebours » de la conception habituelle de
l'art : pour les décadents, le laid participe de l'art, les
phénomènes dégoûtants sont attrayants. Les décadents recherchent l'étrangeté et
le bizarre. Par exemple, le héros du roman, Des Essaintes, fait preuve de
cynisme « Fais aux autres ce que tu
ne veux pas qu'ils te fassent ; avec cette maxime tu iras loin ». Il
émet aussi des réflexions sur l’art et la littérature qui vont souvent à
l’encontre du goût commun.
2.
C’est
justement d’une œuvre d’art qu’il s’agit dans notre extrait. Le
héros, fasciné par Moreau, a acheté deux tableaux de Salomé. Il décrit ici l’un
d’entre eux, L’apparition, une huile sur toile. Il décrit la posture de
la jeune femme, son vêtement et l’effet qu’elle produit sur lui. Il se remémore
également le texte religieux à l’origine du mythe.
3.
Lecture
4.
Il est alors intéressant de se demander comment
des Esseintes donne ici vie à la Salomé de la Bible et de Moreau ?
5. Pour répondre à cette question, nous verrons tout d’abord que
Huysmans fait de Salomé un être de chair et de sang (I). Mais il ne se contente
par de lui donner un corps : il lui donne aussi une âme, une épaisseur
psychologique. (II)
PBQ :
Comment
des Esseintes, en décrivant le tableau de Moreau, donne- t-il
ici vie à la Salomé de la Bible?
I Tout d’abord Des Esseintes, dans sa description, fait de Salomé
un être de chair et de sang : il lui donne un corps vivant
A.
En
effet, il lui donne une apparence physique
Alors que, comme H le rappelle lui-même
l.27 à 36, le texte biblique ne mentionne aucunement le physique de S, Moreau
et DE lui donnent quant à eux un vrai physique
La
Salomé ici décrite est magnifiquement vêtue et sensuelle
Ex
1 : hypallage « robe triomphale » l.10 souligne sa beauté, sa
majesté, son assurance et la fait qu’elle va obtenir ce qu’elle veut
Ex2 :
CL des bijoux : « colliers l. 8,
« les diamants » l. 9, « les bracelets » l. 9,
« les bagues » l. 10. et l.
10 -11 « sa robe couturée de perles
ramagée d'argent, lamée d’or » = robe incrustée d’or et
d’argent, « orfèvreries » l. 11, « pierre » l. 12 →
richesse extrême, luxe
Ex
3 : CL de la brillance confirme ce luxe: l’or et l'argent l. 11,
« scintillement » l. 9, « les étincelles » l. 10, les adjectifs « éblouissants » et «
jaune aurore » l.14 → Moreau la met en valeur ds son tableau. Brillance= éclat de la tenue, on ne voit qu’elle.
Ex 4 :
CL de la sensualité avec l. 13 « la
peau rose thé », « la chair mate », « la moiteur de sa peau » l.9 et
la mention de « ses seins » l. 7 dont les « bouts se
dressent » l.8. Cette dernière précision évoque l'excitation qui anime
Salomé et suggère le désir qu’elle peut susciter.
B.
D’autre
part, il l’anime de mouvements et lui donne une gestuelle
Le texte biblique se contente de dire quelle « dansa » l. 28. DE lui
est beaucoup plus précis.
Ex1 :
juxtaposition l.2 à 4: « le bras gauche étendu, en un geste de commandement, le
bras droit replié, tenant, à la hauteur du visage un grand lotus, s’avance
lentement sur les pointes » → avec la
juxtaposition, impression que Salomé déploie peu à peu ses mouvements, comme un
ralenti, souligné d’ailleurs par l’adverbe « lentement ». = tableau
de Gustave Moreau
Ex 2 :
verbes d’action : l. 7 « ces
seins ondulent", « leurs bouts se dressent » l. 7
Ex 3 :
métaphores concernant ses bijoux qui
eux-mêmes bougent ou prennent vie
·
« ses colliers qui tourbillonnent »
·
« ses bracelets, ses bagues, ses ceintures crachent
des étincelles » l. 10.
·
par une sorte d’alchimie mystérieuse (« entre en
combustion » l. 12), grâce à leur éclat, ses bijoux deviennent des
serpents l. 12 « croise des serpenteaux» l. 13, « des insectes splendides aux
élytres éblouissants »l. 13-14 et ils
« grouille[nt] » l. 13 →
métaphore animalière qui ne donne pas un côté bestial à la danse de Salomé mais
la rend terriblement vivante et justifie les adjectifs « surhumaine et
étrange » que DE emploie pour la désigner l. 42-43
→Ce mouvement que des Esseintes interprète à partir du
tableau est conforme au thème de ce tableau à savoir la danse de Salomé « qui
doit réveiller les sens assoupis du vieil Hérode » l. 7. Le mouvement de
Salomé, son dynamisme doit se communiquer au Tétrarque.
II En
outre, DE donne à Salomé une âme, une épaisseur psychologique. C’est quelqu’un
d’ambigu.
A. D’une part, elle apparaît pour DE comme noble et quasi divine
Ex 1 : juxtaposition
+ gradation « face recueillie, solennelle, presque auguste » l.6 qui la présente comme
→
concentrée sur sa danse, très sérieuse, dans une bulle. Cste de ce qu’elle
fait.
→
digne d’être vénérée donc comme une divinité (adj.
« surhumaine » l. 42-43).
D’ailleurs les 3 adj. appartiennent au vocabulaire religieux.
→elle
a donc un côté divin. Ne danse-t-elle d’ailleurs pas dans une
« église » l.1 ?
Ex 2 :
la comparaison l. 16 « concentrée,
les yeux fixes, semblable à une somnambule » → rappelle qu’elle est dans sa
bulle, concentrée mais en même temps suggère qu’elle a perdu le contrôle d’elle
– même. Est-ce parce qu’elle est entrée dans une sorte de transe ou parce
qu’elle est en fait sous les ordres de sa mère ( comme télécommandée) comme le
suggère l’expression l. 17 « qui la surveille ». On retrouve cette
idée d'une Hérodias qui contrôle sa fille avec l’expression l.31 « induites par
sa mère ».
B.
Mais Elle est aussi présentée comme coupable et dépravée
Ex 1 : l.1 et
6, il utilise 2 hypallages (donne la
qualité du personnage à un objet / éléts non animés) l’adjectif « perverse » pour désigner l'odeur
qui règne dans l'église et l.6 « lubrique »
pour désigner la danse de Salomé . Or, ce n’est pas l’odeur ni la danse
qui sont perverse / lubrique mais Salomé.
Ces deux adjectifs renvoient à l’idée d’une sexualité dévoyée condamnée
par D.E et par la Bible. Ils ont une connotation religieuse et renvoie au pêché
capital de la luxure.
Ex 2 :
vocabulaire péjoratif : l.39 sa
danse = « actives dépravations »
Ex 3 :
Verbe de sentiment
« frémit »l.17 = frémissement de désir. Salomé suscite le
désir = pécheresse = Eve tentatrice, coupable
Ex 4 :
CL de la religion. Si DE se plaît à
utiliser autant de références religieuses, c’est pour créer un effet de
contraste et rendre Salomé encore plus coupable. Ttes ses références = écho de
sa concience qui lui rappelle que
susciter ou exciter volontairement le désir d’autrui est condamné par
l’église.
Ex 5 :
symbole des serpentaux l.13 = le Mal, Satan. On rettrouve cetteréférence à
Satan l.18 avec « hermaphrodite » Satan est en effet surnommé
« Le Grand hermaphrodite ».
→cette psychologie renvoie au côté
décadent de Huysmans : sa Salomé est un mélange de beau et de laid. Elle
va à l’encontre de la morale traditionnelle et renforce sa beauté par
l’immoralité et la dépravation qu’elle dégage.
CCl° : ouverture
La Salomé de Huysmans, par son
ambiguïté et sa décadence, devient fascinante et permet une nouvelle perception
du personnage. Une perception qui ne fera que s’enrichir au fil des
réecritures. Ainsi, Oscar Wilde fera d’elle une femme amoureuse du Saint, qui
par dépit amoureux demandera sa mort… parce que JB a refusé ses avances.
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