Emission
radio sur Verlaine
Musique
d’ouverture Debussy, « Petite suite », Cortège, du début à 1 min.04
Bonjour et
bienvenue sur info RC. Nous nous retrouvons pour l'émission quelques minutes de
littérature. Nous allons aujourd'hui parler poésie et découvrir un grand poète
français : Verlaine et son recueil Fêtes
galantes publié en 1869.
En choisissant
ce titre, Verlaine fait directement référence aux peintures de Watteau, peintre
du XVIIIème siècle, créateur d'un
nouveau genre pictural : la fête galante justement. Comme Watteau dans ses
tableaux, dans son recueil, Verlaine,
rassemble dans des parcs un petit groupe de personnes nobles et raffinées,
jouant de la musique et dansant. Ils sont aussi souvent déguisés et s'amusent à
interpréter des pièces de la Commedia dell'arte. Dans ces parcs, la semi
obscurité, les arbres, l’eau des
fontaines rendent l'ambiance propice à un badinage amoureux auquel les
personnages succombent facilement. Mais
il s'agit d'un amour éphémère qui se terminera avec la fête. Dans ce recueil,
la gaité est sœur de la mélancolie.
Claude Debussy - Clair de Lune, Arabesque No1, Piano Classical Music, du début à 38 secondes
Bienvenue dans
le monde des fêtes galantes.
« Clair de
lune » le poème inaugural donne la
tonalité du recueil. C'est un poème tout
en contraste qui oppose à l'apparente joie des personnages une profonde tristesse.
Déguisés en comédiens italiens, les personnages jouent de la musique et
chantent : ils semblent heureux. Pourtant leur chanson est en « mode
mineure », mode propice à la mélancolie.
« Tout en
chantant sur le mode mineur
L'amour
vainqueur et la vie opportune,
Ils n'ont pas
l'air de croire à leur bonheur
Et leur chanson
se mêle au clair de lune,
Au calme clair
de lune triste et beau »
Ces personnages font
donc illusion. « Personna » en grec ne signifie-t-il pas « masque »
? Même s'ils ont mis sur leur visage le masque du bonheur, ils gardent au fond d’eux
une sourde langueur. C'est sans doute l'expression de la mélancolie propre du
poète.
Mais chez
Verlaine cette tristesse n’est pas négative : elle est belle. Musique Musique Debussy, « Rêverie »,
du début à 44 secondes.
L'un des thèmes
majeurs du recueil est l'amour. On ne s'en étonne pas car la vie de Verlaine est
rythmée par des passions. Celle de sa mère, tout d’abord, pour qui Verlaine est
l’enfant miraculeux : il est né après trois fausses couches. Celle de
Mathilde « la petite épouse » raffinée et aimante qu’il quittera pour
Rimbaud, le « Rimbe » comme il
l’appelle, « l’époux infernal » qu’il a dans la peau. Délaissé par
Rimbaud, il s’éprendra de deux jeunes gens et finira sa vie tiraillé entre
deux gaupes de Paris.
Dans les Fêtes Galantes, l’amour est plus
raffiné, moins glauque. Il est empreint de sensualité. Dans le poème « Les
ingénus », les jupes des demoiselles se
balancent au gré du vent si bien que parfois on peut apercevoir nous dit-on «
des bas de jambes» ou « des éclairs soudains de nuque blanche ». Notez qu’au
XIXème siècle, les pieds et les jambes sont considérés comme très sensuels.
Dans « A
la promenade », « la moue assez clémente de la bouche » apparaît comme une
sorte d'invitation au désir sensuel.
« Le ciel
si pâle et les arbres si grêles
Semblent
sourire à nos costumes clairs
Qui vont
flottant légers, avec des airs
De nonchalance
et des mouvements d'ailes.
Trompeurs
exquis et coquettes charmantes,
Cœurs tendres,
mais affranchis du serment,
Nous devisons
délicieusement,
Et les amants
lutinent les amantes, »
Mais, cet amour ne dure que le temps de la fête. Il
s'agit de flirts éphémères ou chacun joue un rôle, un « jeu dupe» comme le
dit Verlaine. Les sentiments ne sont pas vraiment sincères. A travers ses
poèmes, Verlaine nous dit que l’amour fait souffrir. Peut- être attend –il autre chose, plus de constance, plus
d'éternité ?
Dans « Colloque
sentimental » le dernier poème du recueil, le poète observe un couple. L’un est
encore amoureux mais l'autre a définitivement tiré un trait sur leur histoire
d'amour. Il ressort de ce poème une grande mélancolie, une profonde tristesse
qui plonge le lecteur dans le pessimisme.
Musique : Philippe Jaroussky : "Colloque
Sentimental" de Debussy et Verlaine pour les trois premières strophes. De 0
à 1 min 10
(Dans le vieux parc solitaire et
glacé
Deux formes ont tout à l'heure passé.
Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles,
Et l'on entend à peine leurs paroles.
Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux spectres ont évoqué le passé.)
Deux formes ont tout à l'heure passé.
Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles,
Et l'on entend à peine leurs paroles.
Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux spectres ont évoqué le passé.)
Puis lecture
par 2 élèves différents :
- Te
souvient-il de notre extase ancienne?
- Pourquoi voulez-vous donc qu'il m'en
souvienne?
- Ton cœur
bat-il toujours à mon seul nom?
Toujours
vois-tu mon âme en rêve? - Non.
Ah ! les beaux
jours de bonheur indicible
Où nous
joignions nos bouches ! - C'est possible.
- Qu'il était
bleu, le ciel, et grand, l'espoir !
- L'espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir.
Musique : Philippe Jaroussky : "Colloque
Sentimental" de Debussy et Verlaine pour la dernière strophe. De 3 min 05
à 3 min 33
(Tels ils
marchaient dans les avoines folles,
Et la nuit
seule entendit leurs paroles.)
Alors, comme
pour se venger de la cruauté de certaines femmes envers lui, Verlaine se moque
d’elles.
Dans « Cortège »
il la ridiculise en faisant d’elle l’objet du désir d'un singe est d’un petit enfant serviteur
noir.
« Le singe
ne perd pas les yeux
La gorge
blanche de la dame,
Opulents
trésors que réclame
Le torse nu de
l'un des dieux ;
Le négrillon
parfois soulève
Plus haut qu'il
ne faut, l'aigrefin,
Son fardeau
somptueux, afin
De voir ce dont
la nuit il rêve ; »
Dans « L’allée »,
il lassimile à des « perruches » qui au sens figuré désignent des
femmes bavardes tenant des propos sans intérêt. Il se moque de ses vêtements
démodés et de tous les froufrous de sa tenue :
« Fardée éteinte comme au temps des bergeries,
Frêle parmi les
nœuds énormes de rubans,
Elle passe, sous les ramures assombries,
Dans l'allée où vers dix la mousse des vieux bancs,
Avec mille façons et mille afféteries
Qu'on garde
d'ordinaire perruches chéries. »
Musique C. Debussy, Fantoches pour piano seul, de 41 seconde
à 1 min 12.
Enfin, nous
terminerons cette émission en parlant de la musique dans les Fêtes galantes. Car on ne peut parler de
la poésie verlainienne sans aborder la musique. Dans son très célèbre « Art
poétique » Verlaine déclare que la
poésie doit être « De la musique avant toute chose » et « De la musique encore
et toujours !».
Cette musique,
Verlaine l’imprime dans le style même de sa poésie. Pour cela, il utilise
différents procédés stylistiques tels que
·
le vers impair dans « Mandoline » écrit en heptasyllabes
·
les rimes internes dans « Clair de lune » par
exemple
·
les assonances et les allitérations
·
Les diérèses
Mais, outre ce travail formel, ce qu'il faut retenir essentiellement de la
musique Verlainienne c’est qu’elle traduit les sentiments du poète. N’oublions
pas que Verlaine était un poète symboliste et que sa poésie est suggestive :
elle exprime plus que ce qu'elle dit explicitement.
En général, chez Verlaine c'est une musique propice à la
rêverie et à la mélancolie, une musique douce « en mode mineur » comme nous l’avons
dit au début de l’émission, une musique empreinte de langueur et de tristesse.
Musique Debussy,
« Des Pas Sur La Neige », du début à 44 secondes
Mais lorsque le
désespoir est trop fort, la musique
laisse place au silence, un silence de détresse et d’accablement. C'est le cas
dans « En sourdine » où l'on n’entend que « le souffle berceur et doux » du
vent et le chant du rossignol » qui incarne « la voix du désespoir » du poète comme le dit
Verlaine lui- même.
Calmes dans le demi-jour
Que les branches hautes font,
Pénétrons bien notre amour
De ce silence profond.
Laissons-nous persuader
Au souffle berceur et doux
Qui vient à tes pieds rider
Les ondes de gazon roux.
Et quand, solennel, le soir
Des chênes noirs tombera,
Voix de notre désespoir,
Le rossignol chantera.
Que les branches hautes font,
Pénétrons bien notre amour
De ce silence profond.
Laissons-nous persuader
Au souffle berceur et doux
Qui vient à tes pieds rider
Les ondes de gazon roux.
Et quand, solennel, le soir
Des chênes noirs tombera,
Voix de notre désespoir,
Le rossignol chantera.
Le rossignol est le symbole de la souffrance du poète, de son spleen.
La musique
légère, mélodieuse et insouciante à peu de place dans les Fêtes galantes. Si bien que l’on se dit parfois que Verlaine
aurait dû intituler son recueil Drames
galants.
La grande musicalité des poèmes de Verlaine a inspiré Claude Debussy qui a écrit 6 mélodies sur les
poèmes des Fêtes galantes. Ce sont
ces mélodies et d’autres du même compositeur qui nous ont accompagné durant
toute cette émission.
Musique, Claude
Debussy, Valse romantique, du début à 38 secondes.
C'est sur ces notes du compositeur que nous terminons notre
pause verlainienne. Nous nous retrouverons l'année prochaine pour une nouvelle
émission quelques minutes de littérature sur info RC